Le paysage hétéroclite des invests régionaux

Une quinzaine de sociétés régionales d’investissement sont actuellement actives. Une étude bruxelloise a comparé leurs poids et performances. La plus riche ? La SRIW. La plus rentable ? La limbourgeoise LRM. Les plus dynamiques ? La Sowalfin et la SRIB.

Dans son dernier rapport annuel, la SRIB, l’invest de la Région bruxelloise, a entrepris de se comparer avec ses consoeurs. Les résultats ont été passés au crible sur quatre ans, de 2006 à 2009. L’exercice a été fait sur la base de chiffres officiels mais présente certaines limites – l’organisme bruxellois le reconnaît d’ailleurs. C’est que les politiques des Régions en matière de capital à risque ne sont pas les mêmes et que les comptes des invests en question sont complexes. Malgré tout, plusieurs conclusions intéressantes peuvent être retenues.

Les forces en présence

En Flandre, depuis la privatisation progressive de la GIMV à partir de 1997, il existe deux invests publics : la PMV et la LRM. La Participatie Maatschappij Vlaanderen (PMV) est l’organisme généraliste. Elle offre des produits financiers pour le développement des entreprises, l’exportation, l’innovation, la culture et l’économie sociale. Elle gère aussi des fonds spécifiques : Arkimedes (capital à risque), Vinoof (Innovation) et Biotech Fonds Vlaanderen. La Limburgse Reconversie Maatschappij (LRM), elle, a été créée pour renforcer le tissu économique de la province du Limbourg.

En Wallonie, le paysage est nettement plus peuplé. La SRIW s’occupe du soutien aux moyennes et grandes entreprises. La société fonctionne avec une holding de tête, qui est généraliste, et avec 13 filiales, centrées sur des secteurs d’activités précis : high-tech, énergies renouvelables, agro-alimentaire, aéronautique, etc. Les prêts et garanties aux PME relèvent, par contre, du domaine de la Sowalfin, créée en 2002. Celle-ci peut intervenir en direct mais dispose aussi de trois filiales spécifiques : la Sowaccess centrée sur la transmission d’entreprises, la Sofinex sur l’exportation et Novalia sur l’innovation. La Sowalfin coordonne encore le travail des neuf invests qui s’occupent d’initiatives locales. Exemple : Meusinvest à Liège. Enfin, en avril 2009 a été lancée la Caisse d’investissement de Wallonie (CIW), qui a fait appel à l’épargne des Wallons. Ses moyens commencent à être investis dans des fonds de fonds, gérés en partenariat avec la SRIW.

A Bruxelles, c’est la SRIB qui offre l’ensemble de la gamme des soutiens. Soit de manière directe, soit via les programmes Brustart (démarrage), Brusoc (microcrédit), B2E (PME) et Exportbru (exportation).

Les moyens d’action

Selon l’étude de la SRIB, les moyens d’action des invests wallons sont les plus élevés : 1,8 milliard d’euros actuellement (voir graphique). Soit 963 millions pour la SRIW, 625 millions pour les neuf invests locaux, 167 millions pour la Sowalfin et 102 millions pour la CIW. Côté flamand, les deux invests totalisent 1 milliard. A Bruxelles, la SRIB, s’adressant à un territoire plus petit, doit se contenter d’un très modeste 161 millions.

Le poids des instruments wallons s’explique de manière historique. “En Wallonie, une reconversion économique fut nécessaire et celle-ci s’est faite essentiellement via des PME, rappelle Benoît Bayenet, chargé de cours à l’ULB et conseiller du ministre wallon de l’Economie Jean-Claude Marcourt. Or, c’est le type d’entreprises que les banques soutiennent moins. Cela a obligé le public à prendre le relais.” Depuis le lancement du plan Marshall voici six ans, des moyens supplémentaires ont encore été mis à disposition des invests wallons par le gouvernement régional. L’étude de la SRIB les a évalués à quelque 340 millions d’euros entre 2006 et 2009 en net (c’est-à-dire distribution de réserves et de dividendes prise en compte). Les seuls invests locaux ont reçu 310 millions. Sur le même période, les organismes flamands ont bénéficié de 35 millions, tandis que la SRIB, elle, n’a pas été refinancée.

Les investissements

Bien dotés, les invests wallons investissent également davantage. Quelque 168 millions d’euros par an en moyenne entre 2006-2009, contre 84 millions pour les invests flamands et 19 millions pour l’invest bruxellois (voir graphique). A elle seule, la SRIW a investi 76 millions par an. Se classent ensuite les neuf invests locaux wallons avec 64 millions par an et la PMV avec 57 millions par an.

Il est à noter que ce panorama ne reflète qu’une partie seulement de l’offre en capital à risque par Région. En Flandre, par exemple, les fonds privés sont plus nombreux, ce qui explique que les invests publics du nord investissent deux fois moins que leurs collègues du sud du pays.

Au total, tous ces instruments publics ont soutenu les entreprises à hauteur de 272 millions par an sur la période de référence, pour laquelle la CIW n’entre pas en compte. A titre de comparaison, l’ensemble du secteur du venture capital et du private equity, qui réunit 43 fonds tant privés que publiques (dont les invests des Régions), a injecté près de 1,1 milliard en 2009 selon la fédération qui les représente, la BVA.

Si l’on regarde les investissements à la lueur des moyens financiers mis à disposition, un autre classement apparaît. La Sowalfin investit ainsi 17 % de ses ressources et prend la première place, devant la SRIB (11,8 %) et la LRM (10,9 %). Suivent les invests locaux wallons (10,2 %), la SRIW (7,9 %), la CIW (7,8 %) et la PMV (7,2 %).

La rentabilité

Pour chaque organisme, l’étude de la SRIB a calculé la rentabilité des fonds propres, toujours sur quatre ans. L’invest présentant le meilleur taux de rendement est la LRM (avec du 6,8 %). Ce résultat tient toutefois au fait que l’organisme limbourgeois a valorisé des terrains. La SRIW, avec l’ensemble de ses filiales, obtient un bon score (3,3 %). En troisième position, arrive la SRIB (1,3 %). La PMV flamande accuse un résultat négatif (-1,8 %), de même que les invests locaux wallons (-0,6 %). Ce n’est encore rien par rapport à la Caisse wallonne d’investissement, qui arrive loin derrière (-7 %). Il est vrai que, pour elle, seul l’exercice 2010 a été pris en compte. Pour rappel, ses dirigeants affirment qu’elle sera rentable en 2012.

La crise de 2008-2009 a touché l’ensemble des invests passés en revue. Les participations détenues en portefeuille ont baissé. Les occasions de sortir d’un investissement et donc de réaliser une plus-value, se sont raréfiées. Enfin, les placements d’une partie des trésoreries n’ont guère rapporté, vu la chute des taux d’intérêt durant la période (grosso modo, ils sont passés de 4 % à 1,5 %). Globalement, cette situation tend à s’améliorer aujourd’hui.

Jean-Christophe de Wasseige

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