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‘Le non grec est une victoire de la démocratie sur la Troïka’

Le résultat du référendum grec a été présenté par les dirigeants de Syrisa comme une victoire de la démocratie. À première vue, c’est un commentaire surprenant dans la mesure où une victoire du ‘oui’ aurait aussi reflété l’expression de la volonté du peuple grec.

En réalité, le vote de dimanche reflète la victoire de la démocratie sur la Troïka, c’est-à-dire sur la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international (FMI) qui ont défendu un programme d’ajustement que le peuple grec vient de rejeter.

Ce résultat est extraordinaire dans la mesure où il est très rare, voire unique, dans les annales de l’histoire qu’un pays tout entier se dresse contre la volonté des institutions en charge du bon fonctionnement du système monétaire et financier international.

En effet, en règle générale, les pays en déficit partent toujours perdants dans leurs négociations avec les institutions internationales et les pays en surplus. C’est particulièrement vrai pour les pays qui maintiennent un taux de change fixe avec une autre monnaie. En effet, ces pays doivent disposer de réserves de change suffisantes pour pouvoir financer leur excédent d’importations et faire face aux sorties de capitaux. La crise du Système monétaire européen de 1992 et 1993 et la crise asiatique de la fin des années nonante ont confirmé cette réalité et conduit de nombreux pays à opter pour un taux de change flexible pour éviter d’être confrontés aux aléas des marchés financiers et aux exigences du FMI. Ces crises ont aussi renforcé le sentiment que l’adhésion à l’euro permettrait de bénéficier de la stabilité monétaire et financière, même en situation de déficit de balance commerciale.

La crise grecque prouve que cette solution n’était qu’un mirage qui attendait son heure pour prouver que la construction de la zone euro est incomplète et par conséquent dangereuse.

La véritable solution miracle pour protéger les pays en difficulté des injonctions du FMI, c’est un taux de change flottant, qui permet de corriger des déficits sans devoir faire appel à l’aide financière internationale. En choisissant l’euro, les pays membres ont renoncé aux avantages offerts par un taux de change flottant en ignorant que ce choix pouvait les amener dans une situation d’extrême vulnérabilité.

Cela étant dit, la Grèce dispose aujourd’hui d’une marge de négociation plus importante que celle des clients habituels du FMI. En effet, les clients habituels du FMI n’ont jamais réussi à renforcer leur position de négociation en organisant un référendum national. Ces pays n’ont jamais eu d’autres choix que de négocier un programme d’ajustement ou de s’isoler au sein du système monétaire international.

Le non grec est une victoire de la démocratie sur la Troïka

Parce qu’elle fait partie de l’union monétaire, la Grèce est dans une situation un peu plus favorable pour trois raisons importantes. Premièrement, le Traité ne permet pas à un pays membre de sortir de la zone euro. Il faudrait donc sortir de la légalité pour pousser la Grèce dehors. Deuxièmement, une sortie de la zone euro pourrait avoir des conséquences graves pour l’avenir de l’euro. C’est un risque qui a été pris en compte jusqu’à présent par les pays partenaires de la Grèce. Enfin, la création de l’euro constitue un point culminant dans l’ascension de l’Europe sur la voie de l’intégration économique et de la paix. Une sortie de la Grèce de la zone euro marquerait un point d’arrêt inquiétant dans ce projet.

On peut aussi noter que Tsipras a raison d’observer que la dette grecque est insoutenable. À sujet, le fait que le service de la dette grecque restera faible dans les années à venir ne prouve pas que la dette grecque soit soutenable. Si les créanciers en étaient vraiment convaincus, ils n’exigeraient pas que le surplus primaire de la Grèce augmente jusqu’à 3,5 pourcent de PIB.

Pour autant, cette situation ne donne pas qu’un avantage limité à Tsipras, étant donné que l’union monétaire n’est pas une union de transferts.

Pour résoudre la crise par le haut, il faut donc trouver un équilibre raisonnable entre les intérêts légitimes de la Grèce et de ses partenaires. Dans ce contexte, un accord pourrait s’appuyer sur trois piliers:

– des mesures structurelles pour réformer en profondeur l’économie grecque en se donnant une perspective de long terme compte tenu de ses faiblesses et en veillant à trouver un équilibre entre des mesures d’austérité budgétaire et de relance de la croissance;

– un programme d’allègement de dettes permettant de revoir la trajectoire de surplus primaire à la baisse;

– un programme de refinancement pour permettre à la Grèce de refinancer sa dette avant de retrouver un accès auprès de marchés internationaux des capitaux.

Pour aboutir à un tel accord, les partenaires de la Grèce devraient être convaincus que le coût d’un tel accord est inférieur aux coûts d’un Grexit, à la fois sur le plan politique et financier. Pour assurer que le référendum n’apparaisse pas dans les livres d’histoire que comme une opportunité gâchée par un jusqu’au-boutisme démesuré, Tsipras devrait accepter de négocier sérieusement et admettre qu’un Grexit ne permettra pas à la Grèce de se relever sans mettre en oeuvre un programme d’ajustement sérieux.

Il serait également sage que les dirigeants de la zone euro complètent l’union monétaire par une union fiscale pour aider les pays en récession à surmonter plus facilement leurs difficultés. Cette étape devrait être suivie par la création d’une union politique qui permettrait de consulter l’ensemble de la population de la zone euro en acceptant que la volonté de la démocratie européenne puisse s’imposer même si ces questions ne concernent qu’un seul pays. Même si cet objectif paraît aujourd’hui irréaliste, il représente la seule voie à suivre pour garantir l’intégrité de la zone euro à l’avenir.

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