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“Le GIEC montre que la dégradation des terres est à la fois la conséquence et l’une des causes du réchauffement”

Le transport et la production d’énergie sont souvent pointés du doigt au moment d’exposer les causes du réchauffement climatique. Le dernier rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a placé le focus sur un autre aspect : l’état des sols. Un aspect particulièrement intéressant parce qu’il illustre l’emballement du processus.

La dégradation des terres est à la fois la conséquence et l’une des causes du réchauffement. Bien végétalisés et boisés, les sols peuvent absorber 29% des émissions de gaz à effet de serre. Mais ces sols se dégradent du fait de l’exploitation humaine (les trois quarts des sols émergés non glacés sont touchés, selon le Giec) et ne peuvent plus jouer pleinement leur rôle protecteur. La situation s’aggrave alors d’autant plus rapidement que les terres se réchauffent deux fois plus vite que le globe. Quand le Giec plaide pour limiter le réchauffement à 1,5° C, il faut donc compter 3° C pour les sols. Un tel niveau nuit à la plupart des cultures. Chaque degré de réchauffement réduit les rendements de blé de 6%, de riz de 3,2%, de maïs de 7,4% et de soja de 3,1%. Or, comme il faut nourrir toujours de plus en plus de personnes, on intensifie les rendements… au risque d’accélérer encore les dérèglements.

En route vers l’apocalypse ? Pas encore. ” A ma connaissance, il n’existe pas encore de sols dégradés irréversiblement “, confie l’une des auteures du rapport, la bioclimatologue Nathalie de Noblet-Ducoudré au quotidien Libération. L’espoir subsiste donc et le Giec développe une série de pistes susceptibles de l’entretenir. S’il fallait les résumer d’un mot, nous prendrions celui-ci : équilibre. Equilibre entre les humains d’abord. Le Giec rappelle que si plus de 800 millions de personnes souffrent de malnutrition, 2 milliards d’autres sont en surpoids. La question essentielle n’est donc pas celle du volume de production alimentaire. D’autant que, précise le Giec, un quart de cette production n’est pas consommée…

Equilibre dans les régimes alimentaires ensuite. Depuis 1960, la production de viande et d’huile végétale par habitant a doublé, ce qui a contribué à la dégradation des sols. Les experts ne recommandent pas de bannir la viande mais d’en réduire la consommation, du moins dans les pays développés, pour favoriser des ” régimes équilibrés ” combinant les aliments d’origine végétale et d’origine animale ” produits dans des systèmes résilients, durables et à faibles émissions de gaz à effet de serre “. Pour le Giec, il y a là ” des opportunités majeures pour l’adaptation et l’atténuation du réchauffement tout en générant des cobénéfices considérables pour la santé humaine”.

Equilibre enfin dans les modes de production. Le rapport prône le développement de l’agroforesterie, qui ramène les arbres dans l’exploitation agricole afin de restaurer les écosystèmes, de réduire les besoins en eau et d’augmenter la captation du carbone. Une telle évolution impacterait toute l’industrie alimentaire, la manière de produire, de transformer et de commercialiser les produits. Cette chaîne agro-alimentaire serait responsable de 21 à 37% de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre.

Certes, plusieurs très grands pays refusent d’écouter les signaux d’alerte émis par les scientifiques de 52 pays. Cela ne doit pas empêcher les autres – par exemple ceux qui tentent de former des gouvernements, en Belgique ou ailleurs – de prendre des dispositions pour enrayer l’épuisement des terres. Ni les citoyens d’adapter sans attendre leurs modes de consommation.

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