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Le fisc veut contrôler toutes vos données informatiques

Chargée de recouvrer l’impôt, l’administration dispose, logiquement, de certains pouvoirs de vérification.

A propos des documents “papier”, la loi lui permet, en matière d’impôts sur les revenus, d’exiger la communication de “tous les livres et documents nécessaires à la détermination du montant” des revenus imposables. Il s’agit déjà d’une définition très large, qui ne vise pas seulement les livres comptables requis par la loi, mais tous les documents que le contribuable possède, pour autant qu’ils soient nécessaires à la détermination de ses revenus. Le contribuable n’est pas obligé de les envoyer à l’administration. Il doit seulement les communiquer, c’est-à-dire les montrer “sans déplacement”, à son domicile ou au siège de son entreprise.

Lorsqu’il s’agit de données informatiques, la loi a, sans qu’il y ait à cela la moindre justification, accordé à l’administration des pouvoirs beaucoup plus importants. Dès le moment où une personne utilise un système informatisé pour établir, dresser ou conserver les documents nécessaires au calcul de ses revenus, elle doit, si l’administration l’exige, communiquer, non seulement les dossiers d’analyse de programmation et d’exploitation du système, mais aussi “les supports d’information et toutes les données qu’ils contiennent”. En d’autres termes, l’administration a le pouvoir d’exiger une copie de la totalité des disques durs, ou autres supports, tels des clés USB, contenant des informations, et ce sans que les données accessibles à l’administration fiscale se limitent, comme c’est le cas pour les documents “papier”, à ce qui est nécessaire pour déterminer les revenus imposables.

Cela veut dire que si un contribuable utilise un ordinateur pour conserver des documents nécessaires à l’établissement de son revenu, tout ce qui s’y trouve est accessible à l’administration fiscale, même si cela n’a aucun lien avec les revenus imposables. Il en est ainsi, par exemple, de la correspondance échangée par le contribuable par e-mail, même si celle-ci est de nature privée. Le seul critère retenu par la loi est que le fisc a accès à “toutes les données”, du moment qu’elles se trouvent sur un “support d’information”.

Cette situation absurde existe dans notre législation depuis plus de 20 ans, et on ne trouve aucun politicien qui ait osé remettre en cause cette prérogative abusive et injustifiée de l’administration fiscale. On se demande parfois si, pour un homme politique, toute proposition qui réduirait les pouvoirs du fisc n’est pas, d’office, considérée comme “politiquement incorrecte”. On notera que dans son plan relatif à la lutte contre la fraude, le ministre des Finances Johan Van Overtveldt n’aborde absolument pas cette question, alors que son parti déclarait, lorsqu’il était dans l’opposition, vouloir s’opposer à toute “chasse aux sorcières” contre les contribuables.

Il est préoccupant de constater que, tous partis confondus, plus personne ne songe à remettre en cause les pouvoirs du fisc

Bien plus, une des propositions de ce plan est d’étendre encore les pouvoirs de l’administration fiscale en matière d’accès aux données informatiques. Il propose en effet que le fisc ait dorénavant accès, non seulement aux données se trouvant sur les supports informatiques se trouvant chez le contribuable ou au siège de son entreprise, mais aussi à toutes les données, même externes, auxquelles le contribuable à lui-même accès depuis les ordinateurs se trouvant chez lui. Cela vise ainsi les données se trouvant sur le cloud, ou encore les mails, auxquels le contribuable a accès, stockés chez un hébergeur externe.

Il est très préoccupant de constater que, tous partis confondus, plus personne ne songe à remettre en cause les pouvoirs du fisc, même lorsqu’ils sont manifestement injustifiés, et qu’au contraire, on ne songe désormais qu’à renforcer encore ces pouvoirs. Cette manière d’agir part clairement d’une mauvaise conception de ce qu’est l’administration fiscale : on y voit une espèce de police économique, alors qu’il ne s’agit que d’une administration destinée à recouvrer les créances de l’Etat.

Elle paraît décidément bien lointaine l’époque où les hommes politiques de premier plan, tels Jean Gol, réclamaient une “charte du contribuable”, visant à protéger celui-ci des excès de l’administration. Celle-ci fut certes votée, il y a près de 30 ans, mais il n’en reste presque plus rien et, au contraire, on n’a de cesse d’accroître les prérogatives du fisc, bien au-delà de celles que l’on jugeait inacceptables à l’époque.

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