Le financement climat ou l’histoire d’une promesse non tenue à 100 milliards de dollars
Copenhague, décembre 2009. Alors que la 15e Conférence de l’Onu sur le climat (COP15) tourne de plus en plus au fiasco, incapable de conclure un grand accord mondial censé baliser l’après-protocole de Kyoto (soit l’après-2012), Etats-Unis et Chine, les deux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, négocient sur un coin de table un document censé sauver les meubles dans la capitale danoise.
Le texte, qui ne sera jamais formellement adopté en séance plénière de la COP, consacre la volonté de limiter le réchauffement climatique à maximum +2°C et prévoit l’engagement, par les pays développés, de consacrer 30 milliards de dollars sur la période 2010-2013 et, surtout, 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 pour permettre aux pays en développement de faire face au changement climatique.
Pour le CNCD-11.11.11, la COP15 à Copenhague a finalement marqué “un tournant dans l’histoire du financement climat, avec l’adoption des premiers engagements chiffrés, la naissance du Fonds vert pour le climat et l’établissement de plusieurs critères comme l’équilibre entre atténuation et adaptation.”
Promesse non tenue
Une bonne décennie plus tard, l’engagement est toujours là. Il a même été renforcé par l’Accord de Paris, conclu en 2015 -la COP21 réussissant là où la COP15 avait échoué- et qui prévoit de fixer un nouveau montant revu à la hausse, à partir du plancher de 100 milliards de dollars annuels, à partir de 2025. L’engagement est toujours là mais la promesse n’a pas été tenue.
Chaque année, depuis 2015, des rapports rédigés par l’OCDE tentent d’établir l’ampleur du financement climat octroyé par les pays développés. Ces montants n’ont certes cessé d’augmenter ces dernières années (de 58,5 milliards USD en 2016 à un peu plus de 80 milliards de dollars en 2019) mais le constat a dû être fait, l’an dernier, que la barre des 100 milliards n’avait pas été atteinte en 2020, avec un financement climat évalué à 83,3 milliards de dollars. Un montant qui comprend les financements publics (dons et prêts), mais aussi les financements privés et les crédits à l’exportation liés au climat.
L’an dernier à Glasgow (COP26), les pays riches, pointés du doigt, ont réitéré leur engagement et adopté une feuille de route augurant que l’objectif des 100 milliards pourrait finalement être atteint en 2023…
Mais l’argent est le nerf de la guerre et les promesses non tenues ne sont guère de nature à faciliter des négociations climatiques toujours laborieuses, comme devrait le confirmer la COP27 de Charm el-Cheikh. En outre, les pays du Sud dénoncent un déséquilibre des financements, en défaveur de l’adaptation aux changements climatiques, ainsi qu’un manque de prédictibilité des fonds versés.
Des prêts avec intérêts
Des ONG dénoncent pour leur part un financement climat qui, pour une bonne partie, se compose en réalité de prêt avec intérêts et ne serait pas additionnel à l’aide au développement. Oxfam juge même que la comptabilisation des financements climat internationaux “reste biaisée et profondément injuste” et que “l’écart entre les contributions déclarées et les contributions réelles a atteint 225% en 2020”. L’ONG estime surtout que les financements climat effectivement fournis atteignent tout au plus 24,5 milliards de dollars. Soit à peine un quart de l’effort promis.
Sans compter que les pays vulnérables réclament à cor et à cri un financement spécifique pour compenser les pertes et préjudices liés aux changements climatiques. Un dossier longtemps considéré comme une boîte de Pandore à ne pas ouvrir par les pays industrialisés qui sont les plus responsables, historiquement, du changement climatique.
Au niveau belge, le financement climat de notre pays à destination des pays les plus vulnérables au changement climatique a atteint 728 millions d’euros entre 2013 et 2020. Selon le CNCD-11.11.11, un financement climatique “juste” de la part de la Belgique devrait toutefois s’élever à 500 millions d’euros par an.