Le casse du siècle ou quand des investisseurs ont jonglé des années avec la fiscalité des dividendes

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Une fraude au précompte mobilier aurait coûté 55 milliards aux fiscs européens, dont 201 millions à la Belgique.

C’est un vaste mécanisme de fraude au remboursement du précompte mobilier qui vient d’être mis au jour. Révélé par 19 médias européens, parmi lesquels De Tijd en Belgique, cette fraude aurait duré plus de 15 ans (entre 2001 et 2017) et aurait coûté 55 milliards d’euros aux administrations fiscales allemande, française, autrichienne, danoise, finlandaise, norvégienne, néerlandaise, suisse… et belge. Notre pays aurait été floué de 201 millions.

Tout repose sur le fait que, dans beaucoup de pays européens, lorsque le fisc prélève le précompte d’un dividende versé par une société locale, les investisseurs étrangers qui détiennent des actions de cette société peuvent demander le remboursement de ce précompte. L’objectif est d’éviter la double imposition, puisque ces investisseurs sont censés être déjà imposés dans leur pays de résidence.

“Cumcum” et “cum-ex”

Sur base de cette règle, cependant, un premier mécanisme a vu le jour : des investisseurs étrangers transféraient momentanément leurs actions au moment du paiement du dividende à un partenaire ou une banque domicilié par exemple à Dubaï, où l’on ne payait aucun précompte mobilier. Une fois le jour du paiement du dividende passé, l’investisseur reprenait ses actions, touchait le dividende ” brut pour net ” et versait une petite commission au partenaire ou à la banque de Dubaï qui avait abrité son bien quelques heures. Ce mécanisme, inventé par un ancien ” fiscard ” allemand devenu conseiller fiscal, s’appelle le ” cumcum “. Pour le contester, les administrations fiscales doivent démontrer que ce montage est fictif et a pour seul objectif d’éluder l’impôt, ce qui n’est pas toujours évident.

Mais un autre mécanisme, sans conteste frauduleux cette fois, a également été découvert. Il s’appelle le ” cum-ex ” et consiste à échanger, au moment du paiement du dividende, plusieurs fois le même titre entre divers actionnaires, afin de brouiller au yeux du fisc l’identité du détenteur de ces titres à ce moment crucial. De la sorte, des propriétaires différents peuvent demander alors au fisc le remboursement du précompte pour une seule et même action. C’est évidemment frauduleux car sur ces propriétaires, un seul est en droit de le faire.

Ces manipulations ont eu lieu au départ en Allemagne, entre 2001 et 2011. Puis, le fisc local réagissant, elles ont été transférées dans d’autres pays, parmi lesquels la Belgique. ” Entre les années 2012 et 2015, le fisc a reçu 702 demandes de remboursement suspectes, explique Francis Adyns, porte-parle du SPF Finances, concernant un montant de 523,7 millions. ” Malheureusement, 201 millions ont été réellement payés, une somme que le fisc cherche aujourd’hui à récupérer. Entre 2015 et 2017, les demandes de remboursement suspectes se sont montées à 782,2 millions, mais le fisc les a intégralement gelées pour les analyser scrupuleusement. ” Pour contrer ces mécanismes, nous responsabilisons les institutions financières “, précise encore Francis Adyns. Ce sont les banques qui doivent en effet contrôler la validité des demandes de remboursement. Et elles devront y aller de leur poche si jamais ce contrôle se révèle trop laxiste.

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