Le budget de l’Italie irrite Bruxelles et inquiète les marchés

Le Premier ministre italien Giuseppe Conte. © AFP/Ben Stansall

La coalition populiste au pouvoir en Italie, en décidant d’un déficit à 2,4% du PIB sur les trois prochaines années, a provoqué vendredi l’irritation de Bruxelles et des tensions sur les marchés financiers.

Le taux d’emprunt italien s’est nettement tendu, tandis que la Bourse de Milan perdait 4% vers 11H15 GMT, entraînée dans sa chute par les banques, dont certaines ont été un temps suspendues. L’euro accusait lui aussi le coup face au dollar.

Au terme d’un dur et long bras de fer avec le ministre modéré des Finances, Giovanni Tria, qui plaidait pour un déficit à 1,6% pour éviter toute tension, le Mouvement 5 étoiles (M5S, antisytème) et la Ligue (extrême droite), au pouvoir à Rome, ont obtenu gain de cause.

Le déficit public atteindra 2,4% en 2019, alors que le précédent gouvernement de centre-gauche visait 0,8%, et le même chiffre en 2020 et 2021.

L’accord a provoqué l’allégresse du M5S, qui a festoyé jeudi soir à Rome, et de la Ligue, qui estimaient nécessaire de pouvoir appliquer leurs promesses électorales, au premier rang desquelles un revenu de citoyenneté de 780 euros pour les plus démunis, un système de retraites plus généreux et une réforme fiscale.

Mais ce projet de budget, qualifié de “raisonnable et courageux” par le chef du gouvernement Giuseppe Conte, fait sans surprise grincer des dents à Bruxelles, alors que l’Italie ploie sous une dette de 2.300 milliards d’euros.

Le commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici a d’ores et déjà estimé qu’il paraissait “hors des clous” des règles européennes.

Qualifiant “d’explosive” la dette publique italienne, il a estimé que les règles de la zone euro “doivent être respectées”.

“Les sanctions sont théoriquement possibles, car elles sont prévues par les traités. (Mais) je ne suis pas dans l’esprit des sanctions”, a-t-il néanmoins indiqué.

Le vice-Premier ministre italien Luigi Di Maio, chef de file du M5S, a assuré vendredi que Rome “n’avait pas l’intention d’aller au conflit” avec la Commission européenne.

“Les préoccupations sont légitimes, mais, a-t-il dit, ce gouvernement est engagé à maintenir le déficit à 2,4% pour trois ans”.

“Sur le dos des jeunes”

“Nous voulons rembourser la dette et je peux vous assurer que la dette baissera”, grâce à “la croissance économique inattendue” qui sera provoqué par le budget qui prévoit de forts investissements, a-t-il assuré.

Mais l’opposition n’y croit pas et a vivement dénoncé cet accord.

Alors que la dette italienne représente quelque 131% du PIB, le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce, le gouvernement expose “le pays à des risques incroyables (…) Tout cela pour financer un programme d’assistance”, a fustigé une dirigeante de Forza Italia (le parti de Silvio Berlusconi), Mariastella Gelmini.

“On est en train de parler de 100 milliards d’euros de déficit sur trois ans, sur le dos des jeunes”, a critiqué le secrétaire du Parti démocrate (centre gauche), Maurizio Martino.

Rome risque par ailleurs une nouvelle flambée du “spread”, l’écart très surveillé entre les taux d’emprunt italien et allemand, qui avait dépassé 300 points en mai en raison d’inquiétudes sur la politique à venir.

Vers 13H15 (11H15 GMT), le taux d’emprunt italien à dix ans grimpait à 3,219% contre 2,888% jeudi soir sur le marché secondaire, portant le “spread” à 276 points.

Or, plus les taux grimpent, plus le coût de remboursement augmente pour l’Etat, ce qui réduit ses marges de manoeuvre financières.

Jack Allen, analyste à Capital Economics, estime que le taux à dix ans pourrait atteindre 3,5% d’ici la fin de l’année, engendrant “des préoccupations sur la soutenabilité de la dette”.

Interrogé à ce sujet, M. Di Maio a indiqué qu’il n’était “pas préoccupé”, parce que ces 2,4% ce sont aussi “15 milliards d’euros d’investissements”, qui créeront de la croissance, selon lui.

“Les marchés se feront une raison”, a balayé pour sa part à Milan l’autre vice-Premier ministre Matteo Salvini, patron de la Ligue.

Avec des sondages en baisse, c’était le M5S qui avait le plus à perdre en cas de renoncement.

La Ligue, portée par les discours anti-immigration et sécuritaires de M. Salvini, ne cesse, elle, de grimper. C’est désormais le premier parti du pays avec quelque 32% des intentions de vote contre 17% en mars.

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