Philippe Ledent

La zone euro ne peut, en aucun cas, se permettre une nouvelle crise existentielle

Philippe Ledent Senior economist chez ING Belgique, chargé de cours à l'UCLouvain.

Les chocs économiques importants sont souvent révélateurs de problèmes structurels tout aussi importants qui étaient jusqu’alors masqués par la croissance économique.

Par exemple, la crise financière avait révélé d’importantes failles dans la solidité économique de certains Etats membres de la zone euro, mais aussi dans la construction européenne elle-même. Une spirale négative s’était alors installée, entre performances économiques divergentes et manque de confiance que les investisseurs pouvaient avoir dans la capacité de certains pays à maintenir leur position dans la zone euro.

Après l’important choc de la pandémie et avec une guerre sur le territoire européen, il est légitime de se demander si une nouvelle spirale négative ne va pas se mettre en place. On observe en effet que les primes de risque des pays de la zone euro ont déjà augmenté en ordre dispersé. Pour autant, la situation n’est pas identique à celle de l’après-crise financière.

Au cours de la période 2009-2012, trois facteurs ont semé le doute dans l’esprit des investisseurs. Un: la capacité très inégale des pays de la zone euro à se relever de la crise financière. Deux: des positions compétitives devenues intenable dans le cadre d’une Union monétaire. Trois: des finances publiques très dégradées dans certains pays.

Même s’il est probablement encore trop tôt pour crier victoire – sachant que l’actuelle vague d’inflation doit encore se faire sentir sur la croissance économique, le premier facteur ne semble pas poser de problème majeur jusqu’à présent. L’approche suivie durant la crise covid et face à la guerre en Ukraine par la politique budgétaire et monétaire a permis à la plupart des économies de la zone euro de remonter rapidement à leur niveau d’activité d’avant-crise.

On peut être plus affirmatif au sujet du deuxième facteur. En effet, les réformes structurelles imposées aux pays les plus faibles dans le cadre de la crise de la zone euro ont certes été très décriées mais elles n’en ont pas moins provoqué une convergence des niveaux de compétitivité des Etats membres. Vu sous l’angle du coût unitaire du travail, les énormes écarts accumulés durant les 10 premières années de vie de la zone euro ont laissé la place à des écarts beaucoup plus modestes. Du point de vue de la cohésion de la zone euro (et donc de sa viabilité), ce facteur essentiel de la crise de 2009-2012 est plutôt rassurant aujourd’hui.

Le troisième facteur est certainement le plus problématique. Malgré une période de bonne conjoncture entre 2016 et 2019, les économies ne sont pas entrées dans la crise du covid avec la même solidité de leurs finances publiques. En particulier, la situation de l’Espagne, de la France, de la Belgique et de l’Italie était déjà délicate. Depuis, une dégradation généralisée des soldes budgétaires et des taux d’endettement a été observée en raison de la crise du covid. Il y a donc là un risque important.

En conclusion, on ne peut certainement pas dire que tous les indicateurs sont au rouge pour l’un ou l’autre pays. Mais il est essentiel que les forces centrifuges qui ont presque sonné la fin de la zone euro en 2012 ne se réactivent, notamment au travers de finances publiques trop divergentes et trop dégradées. La zone euro ne peut en aucun cas se permettre une nouvelle crise existentielle.

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