“La Wallonie manquera bientôt de grands terrains industriels”

Trois questions à Alain De Roover, secrétaire général de Wallonie Développement. © PG

Les zonings sont occupés à 85% et le risque de pénurie se profile pour les terrains de plus de 10 ha, indique le responsable de l’organisme qui fédère les huit intercommunales de développement économique.

1. Le ministre de l’Economie Willy Borsus (MR) a déclaré au Parlement wallon que le taux d’occupation des parcs d’activité économique atteignait les 85% et que la Wallonie risquait de manquer bientôt de terrains industriels. Partagez-vous ce constat ?

Les intercommunales de développement économique doivent remettre, chaque année, un état des lieux précis de toutes les opérations (vente, équipement, etc.) concernant leurs terrains industriels. C’est sur cette base que l’administration a calculé que 85% des terrains des quelque 280 parcs gérés par les intercommunales étaient occupés. On peut regarder les deux côtés de la médaille. D’une part, ce chiffre signifie que nous vendons beaucoup de terrains aux entreprises, ce qui est un signe de dynamisme économique. Mais, d’autre part, avec ce solde de 15%, disposerons-nous encore dans cinq ou 10 ans des réserves foncières suffisantes pour soutenir le rythme des ventes ? Sincèrement, la situation ne me rassure pas.

2. Ne faudrait-il pas gérer ces terrains de manière plus parcimonieuse et privilégier la réaffectation plutôt que de toujours chercher à étendre les parcs ?

Il faut relativiser : les zones à vocation économique représentent à peine 2% du territoire wallon. Mais, c’est vrai, le schéma de développement territorial impose un ” béton stop ” à l’horizon 2030 et 2050. Nous ne pourrons pas continuer indéfiniment à sacrifier des terres agricoles ou constructibles. Il faudra donc miser sur l’assainissement et la réaffectation des parcelles. Budgétairement, cela n’a rien à voir : l’assainissement coûte 800.000 euros/ha quand l’équipement classique d’un terrain revient à 200.000 euros/ha. En outre, l’assainissement doit être assumé par grappes et non au cas par cas. Aménager 5 ha ne va pas rendre attractif tout un site de 25 ha ; une entreprise active dans les biotechnologies ou les datas ne viendra pas s’installer sur un site qui présente encore des stigmates des industries des années 1970. Enfin, les localisations géographiques de certains parcs plus anciens ne correspondent plus toujours aux axes de communication du 21e siècle.

3. La question se pose principalement pour les terrains de plus de 10 ha. Recevez-vous tant de demandes pour d’aussi grands sites ?

Oui. L’an dernier, nous avons traité de 15 à 20 dossiers pouvant aller jusqu’à 50 ha. Il n’est pas normal que, quand un consultant international sollicite une offre dans plusieurs pays, la Wallonie ne soit pas en mesure de proposer de grands terrains et que le projet soit capté par l’un de nos voisins. Il serait judicieux d’anticiper nos besoins futurs et de pouvoir constituer une réserve foncière de terrains de grande taille. Attention : il faut mener cela tout en conservant le rythme actuel d’aménagement des parcs car notre tissu de PME continuera à avoir besoin de parcelles plus modestes. Concilier les deux nécessitera donc des moyens budgétaires supplémentaires. Et si je propose qu’on anticipe, c’est parce que les procédures peuvent parfois être très longues. Tous les parcs envisagés dans les modifications de plans de secteur, décidées par décret en 2004, ne sont pas encore réalisés en 2019, en raison notamment des multiples recours de riverains ou d’associations. La nouvelle réglementation a réduit les délais mais ceux-ci restent quand même de l’ordre de sept à huit ans. C’est pourquoi il y a vraiment urgence à constituer cette réserve foncière.

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