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La vraie cause du populisme européen

Dimanche dernier, les 27 dirigeants européens scellaient le compromis sur le divorce du Royaume-Uni avec l’Union européenne. Jusqu’ici, pourtant, tous les scénarios demeuraient encore possibles. Du divorce par consentement mutuel dans des termes apaisés à la séparation brutale du Royaume-Uni et de l’Union européenne dans et le chaos, en passant par un second référendum appelant les citoyens britanniques à se prononcer sur la même question qu’en octobre 2016. Une realité qui en rappelle une autre.

A savoir que – selon les sondages – dans un grand nombre de pays membres de l’Union européenne, si les populations étaient consultées aujourd’hui par référendum, elles voteraient pour un ” exit ” à leur façon : Italexit, Frexit, et ainsi de suite.

Il serait simpliste – et désormais irresponsable – d’évoquer un pont aux ânes : des populations insuffisamment éduquées pour comprendre la grandeur du projet européen ou, dans un semblant de mea culpa de la part des autorités, que leur effort d’explication est insuffisamment didactique quand ils expliquent à des sujets récalcitrants une aventure en réalité exaltante.

Allons droit au but : qu’est-ce qui, dans l’intégration européenne, fait si peur à une part significative des Européens ? La réponse n’est pas difficile à trouver puisqu’elle est inscrite en graffiti sur les murs, est affichée sur Facebook ou est diffusée sous forme de tweets : c’est l’immigration. Laquelle vient au premier rang des préoccupations des Européens et constitue leur principal motif de rejet de l’intégration européenne telle qu’elle se conçoit aujourd’hui, ou est prônée par des europhiles enthousiastes, soucieux d’une intégration plus poussée encore.

Si les citoyens de nombreux pays de l’UE étaient consultés par référendum, ils voteraient pour un “exit” à leur façon.

Bien sûr, les représentations musulmane et chrétienne du monde ne font pas bon ménage, mais ce n’est pas de cela essentiellement qu’il s’agit quand il est question d’immigration au sein de l’Europe. L’immigration anxiogène, c’est celle (réelle ou fantasmée) qui permet à de nouveaux concurrents, prêts à se satisfaire de salaires de misère, de venir rivaliser avec les salariés locaux sur un marché de l’emploi déjà déprimé.

” It’s the economy, stupid ! “, soulignait Bill Clinton en campagne électorale. Il faudrait dire ici, à propos du rejet de l’Union européenne dans certains nations : ” C’est du marché de l’emploi qu’il s’agit, imbécile ! “. Si nos dirigeants veulent éloigner le spectre du populisme, de ses gilets jaunes et autres soulèvements spontanés de populations (que l’on appelait autrefois jacqueries), il leur faut impérativement tenir compte de ceci : le rejet de l’intégration européenne par de nombreux citoyens résulte du refus des gouvernements de prendre à bras-le-corps une question essentielle. Celle du travail qui recule devant la montée de l’automation (dont l’intelligence artificielle ne constitue encore qu’une part infime, même si c’est la plus spectaculaire) et l’inquiétude qui grandit au sein de la population devant le traitement de cette question. A savoir : par une réduction du temps de travail trop tardive, plutôt que par la transition vers une dissociation du travail et des revenus devenue inéluctable.

Il ne s’agit plus d’ajouter une couche de social, comme on passe une couche de vernis, à une Europe qui s’est bornée jusqu’à présent à mettre en place un marché satisfaisant principalement les marchands car le contexte global est celui d’une véritable et tragique éradication des classes moyennes. Il ne s’agit pas de compléter une Europe comblant les souhaits des plus nantis par de l’assistanat aux plus démunis, mais de mettre d’abord à plat puis de résoudre la question du salariat en voie de disparition. Et, pour cela, mettre à l’ordre du jour pour de bon les remèdes authentiques que sont la taxe-robot (proposition que j’ai faite en 2012 sous le nom de ” taxe Sismondi “), le revenu universel de base et la gratuité pour l’indispensable.

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