Typhanie Afschrift

La valeur travail

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Les débats que nous offrent les hommes politiques sont souvent d’une faiblesse intellectuelle que beaucoup dénoncent. Mais il y a des exceptions, parfois surprenantes, comme cette question soulevée par Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste français.

Cet élu d’un parti de très modeste importance défend en effet l’idée que la gauche doit cesser de réclamer des allocations de toutes sortes pour des personnes qui ne travaillent pas et, au contraire, se centrer sur la défense des travailleurs. Il souligne que “le chômage et le capitalisme entretiennent un système qui repose sur des revenus de substitution qui permettent de faire pression sur le travail, les conditions de travail et les salaires”. Tout cela est certes abordé d’un point de vue communiste, mais ce n’est pas faux: à force de distribuer de l’argent, sous forme d’allocations de chômage ou autres, à des personnes qui ne travaillent pas, celles-ci deviennent de plus en plus nombreuses et la force de négociation de ceux qui travaillent vraiment est affaiblie par l’existence d’un énorme réservoir de demandeurs d’emploi. Par peur du chômage, les travailleurs en sont réduits à accepter de mauvaises conditions dans leurs contrats.

Et il est tout aussi vrai, même si le dirigeant communiste ne le dit pas, que les revenus nets du travail diminuent lorsque l’Etat doit assumer d’énormes transferts sociaux qui exigent de porter toujours plus haut les impôts et les cotisations sociales. Il est salutaire que cette remarque vienne de la gauche, voire de l’extrême gauche. Mais bien sûr, il y a toujours plus extrême, comme la députée écologiste Sandrine Rousseau qui prône clairement la décroissance en rejetant une société où l’on veut “travailler plus pour gagner plus” et consommer plus.

C’est encore un exemple d’une évolution, entre ceux pour qui le travail demeure une valeur, et les autres, à l’extrême gauche et chez une partie des écologistes, pour qui il faut, comme le dit Sandrine Rousseau, aller lentement, travailler moins, consommer moins, et “prendre le temps de vivre”, quoique pauvre…

A vrai dire, chacun devrait être libre de choisir. Entre d’une part une vie active mais parfois stressante avec des revenus élevés et des charges qui le sont autant, et une vie plus insouciante, vouée à une certaine pauvreté, dont alors on ne se plaint pas. Fabien Roussel a stigmatisé sa collègue écologiste en lui reprochant de défendre “le droit à la paresse”.

Mais pourquoi faudrait-il empêcher ceux qui le veulent de choisir la paresse? Ce droit doit évidemment exister mais il n’y a aucune raison, bien sûr, de forcer tous ceux qui ont choisi le travail de subsidier ceux qui ne font rien. Personne ne peut imposer ses valeurs. Alors, oui, nul ne doit être condamné aux travaux forcés, mais si on refuse le travail, il faut en assumer les conséquences. Et ne pas demander aux autres de payer pour ce choix individuel.

Fabien Roussel a donc bien raison de rejeter, contrairement à certains “libéraux” belges, l’idée du “revenu universel”, qui constitue en lui-même une terrible menace pour la valeur travail et pour la liberté de ceux qui choisissent d’être productifs. Ce n’est pas une obligation, ceux qui veulent ne rien produire peuvent le faire, mais pas aux frais des autres.

L’un des grands mérites, souligné autrefois par l’économiste et philosophe Friedrich Hayek, du capitalisme, c’est que chacun retire de la société l’équivalent de ce qu’il apporte aux autres. Et cet apport est évalué, dans un cadre contractuel, par ceux qui paient librement le prix, fixé avec leur accord, pour les services qu’ils ont reçus.

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