La réforme des retraites, ce sparadrap qui reste collé à la Vivaldi

Alexander De Croo et Karine Lalieux, 22 juillet 2022. © Belgaimage
Alain Mouton Journaliste chez Trends  

Le Bureau du Plan estime que le bonus pension, qui fait partie de la réforme des pensions, est bien trop coûteux. Premier coup dur pour la Vivaldi, suivi d’un autre: la Commission européenne exige que les réformes soient budgétairement neutres. Le dossier retournera donc sur la table du gouvernement, mais cela ne changera pas grand-chose.

Dans l’album de Tintin “L’affaire Tournesol”, le capitaine Haddock se débat avec un sparadrap qui persiste à rester coller à son doigt. Il n’arrive pas à s’en débarrasser malgré tous ses efforts, le sparadrap change de doigt, mais reste. Il en va de même pour le dossier des pensions du gouvernement De Croo.

Après s’être mis (difficilement) d’accord sur la réforme des pensions en juillet dernier, le Premier ministre espérait que celle-ci n’aurait plus à être rediscutée au cours de cette législature. La mini-réforme ajuste l’âge de l’accès à la pension minimale, garantit une pension plus élevée pour ceux qui ont combiné travail à temps partiel et vie de famille et introduit un bonus pension. Ceux qui travaillent plus longtemps peuvent utiliser ce bonus pour se constituer une pension plus élevée.

Mais selon les récents calculs du Bureau du Plan, le bonus pension coûtera trop cher. Avec un bonus fixé à deux euros, le Bureau du plan estime que 6.800 personnes par an poursuivraient leur activité, tandis qu’elles seraient 10.100 dans le cas avec un bonus de trois euros par jour. Dans un premier temps, la mesure permettra des économies, mais la tendance s’inversera ensuite. En 2040, elle entraînerait déjà un coût supplémentaire de 355 millions d’euros.

Ce qui est d’autant plus pénible pour le gouvernement, c’est que la Commission européenne lui demande que ces réformes soient neutres sur le plan budgétaire. Dans le cas contraire, les conséquences pourraient être graves d’un point de vue économique. Une tranche du fonds européen pour le redressement économique post-covid pourrait être versée à la Belgique avec un certain retard ou seulement partiellement en raison de l’insuffisance des réformes. La Belgique doit encore recevoir jusqu’à 6 milliards d’euros du fonds de recouvrement. Cet argent est indispensable pour réaliser de nombreux investissements, notamment pour rendre les bâtiments publics plus durables et plus efficaces sur le plan énergétique. Au cours des dernières décennies, le gouvernement a sous-investi dans ces dossiers.

Optez pour le malus pension

Résultat : Il faut remettre l’ouvrage sur le métier. Karine Lalieux assure être prête à travailler “très rapidement” sur ces questions avec le gouvernement. La solution paraît évidente. Il lui suffit d’imiter une pratique courante dans de nombreux pays d’Europe: introduire un malus, à côté du bonus pension. Les personnes qui travaillent plus longtemps que l’âge légal de la retraite reçoivent une pension plus élevée, tandis que ceux qui s’arrêtent plus tôt voient leur pension diminuer. En Norvège, vous pouvez prendre votre retraite entre 62 et 67 ans, mais ceux qui partent à 62 ans reçoivent une pension inférieure de 30 %. L’âge effectif de la retraite étant de 65 ans.

Seulement les chances sont très minces que Karine Lalieux accepte de prendre de telles mesures. Cela a tout à voir avec la difficulté de former un gouvernement, lorsque le gouvernement De Croo est entré en fonction. Si l’accord de coalition était rempli de principes généraux, une seule mesure était bien concrète : la pension minimale devra progressivement être portée à 1 500 euros nets pour une carrière complète. Tout le monde n’aura pas droit à ces 1 500 euros, mais c’était une victoire très importante pour le PS. Depuis lors, l’urgence de réformer les pensions a disparu.

Les avertissements de la Commission européenne, les rapports du FMI et les rapports de la Commission sur le vieillissement de la population et sur le surcoût croissant de ce vieillissement feront en sorte que le problème des retraites reste coller à la Vivaldi comme un vulgaire sparadrap. On ne s’en débarrasse jamais vraiment.

Revenir en arrière ? Impossible

Le PS ne peut pas non plus se permettre de retourner sa veste (faire volte-face). Il a beau être le plus grand parti au pouvoir, et la perception peut prévaloir en Flandre que le parti domine le gouvernement par l’intermédiaire de son président Paul Magnette, mais à l’arrivée, il aura rapporté moins que prévu.

On oublie souvent que l’un des objectifs du PS était de revenir sur les réformes du précédent gouvernement Michel. La réforme de l’impôt des sociétés, le taxshift insuffisamment financé, une loi plus stricte sur la norme salariale : tout cela devait être supprimé. Mais rien n’en est sorti après deux bonnes années de Vivaldi…

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