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Bienvenue dans un monde gouverné par les ruptures des chaînes d’approvisionnement
La crise sanitaire donne à la planète cette opportunité d’une “mondialisation 2.0”, plus soucieuse de durabilité et d’inclusion.
Vous êtes à Londres. Vous avez soudain envie d’un milkshake à la fraise. Vous poussez la porte d’un McDo. Le serveur, l’air navré, vous dit qu’il n’y en a plus. Un peu déçu, vous décidez de manger chez vous et tentez de faire vos courses dans un magasin du coin. Mais vous trouvez de nombreux rayons vides. Vous commencez à détester cette ville et décidez d’acheter une voiture pour aller à la campagne. Vous allez voir le concessionnaire du quartier qui vous dit, piteux, que pour le modèle que vous avez choisi, il faudra six à huit mois d’attente. Vous lui répondez que vous allez prendre un autre modèle, en stock. Penaud, le concessionnaire fixe la pointe de ses chaussures et vous répond tout bas que son stock est épuisé. Il n’a plus rien à vendre. Bienvenue dans un monde gouverné par les ruptures des chaînes d’approvisionnement…
La crise sanitaire donne à la planète cette opportunité d’une “mondialisation 2.0”, plus soucieuse de durabilité et d’inclusion.
Le Brexit a fait chuter le commerce transmanche. Mais le covid, qui a multiplié les commandes d’ordinateurs en raison du télétravail et incité les entreprises échaudées à augmenter leurs stocks de composants, a aussi obligé leurs centaines de milliers de travailleurs à rester chez eux plutôt qu’à fournir les magasins et remplir les rayons. C’est vrai au Royaume-Uni, et également ailleurs. Chez nous, voici quelques semaines, les rayons de certains Delhaize étaient vides en raison d’inondations qui interdisaient le trafic dans certaines régions. Car à côté des événements sanitaires et politiques, les événements climatiques (inondations cette année, mais baisse du Rhin l’an dernier) expliquent aussi ces à-coups dans l’approvisionnement.
Les causes de ces incidents sont multiples mais elles illustrent toutes le même élément: le fait que notre économie est une mécanique qui s’arrête de tourner dès qu’un rouage, parfois situé aux antipodes, est défaillant. Cet “effet papillon” (un battement d’aile ici peut provoquer une catastrophe 10.000 km plus loin) est l’une des principales critiques des opposants à la mondialisation qui estiment que la dispersion des chaînes de production non seulement favorise la désindustrialisation de nos pays mais multiplie aussi les risques et fragilise l’économie tout entière.
Cette critique est fondée, mais elle ne doit pas s’adresser à la mondialisation. Elle concerne sa mauvaise mise en oeuvre. Car si aujourd’hui, la mondialisation gonfle les émissions de carbone, pousse aux délocalisations, augmente le risque de fraudes et de blanchiment d’argent (dans les ports européens soumis aux impératifs de rentabilité, seuls 3% des marchandises sont contrôlés) et accroît les inégalités, elle a aussi été un formidable accélérateur de bien-être. Sur les 30 années qui ont suivi l’effondrement du bloc soviétique et ont amené l’économie à se mondialiser, l’espérance de vie s’est accrue en moyenne, dans le monde, d’une dizaine d’années. Et plus d’un milliard d’êtres humains sont sortis de l’extrême pauvreté.
Le covid est d’ailleurs là pour nous rappeler la formidable force du commerce mondial. Les pandémies ne datent pas d’hier mais, en moins de deux ans, face à un virus dévastateur, la planète a trouvé plusieurs vaccins qui ont été administrés à des milliards d’individus.
En fait, l’économie n’a pas besoin de moins de mondialisation, mais d’une meilleure mondialisation. Et paradoxalement, la crise sanitaire lui donne cette opportunité d’une “mondialisation 2.0”, plus soucieuse de durabilité et d’inclusion. En 2035, Airbus sortira des avions à hydrogène, certaines usines seront relocalisées afin de répondre au plus près à la demande de consommateurs désireux d’être approvisionnés au plus vite, l’automation aura gagné du terrain dans l’industrie, mais aussi dans les services… A nous de saisir cette opportunité.
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