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‘La méfiance entre politiques et administration: un cancer qui mine la société belge’

Aujourd’hui, c’est Jacqueline Galant et le patron du SPF Mobilité qui s’étripent sur la place publique ; hier, c’était la secrétaire d’Etat Elke Sleurs et le responsable du SPF Politique scientifique ; avant-hier, Marie-Christine Marghem balayait les rapports du régulateur fédéral de l’énergie. Et on vous épargne les polémiques récurrentes sur la qualité des prévisions de recettes du SPF Finances.

L’absence de confiance entre les mondes politique et administratif atteint des sommets inédits sous cette législature. Le problème ne date toutefois pas d’hier et il est sans doute l’un des cancers qui mine le plus profondément le fonctionnement de la société belge.

Nous avons en Belgique des cabinets ministériels plus grands par rapport aux pratiques en cours dans la plupart des pays occidentaux et certainement en Scandinavie. Les conseillers y effectuent toute une série de tâches qui, dans un pays normal, relèveraient de l’administration. Pourquoi ? Parce que les ministres doutent de la loyauté des fonctionnaires. Ils craignent que les simulations ou expertises sollicitées ne soient instantanément forwardées vers l’opposition, quand elles ne sont pas carrément ralenties voire sabotées. Ces craintes sont hélas trop souvent fondées. Il est ainsi de notoriété publique que, l’an dernier, une poignée de fonctionnaires ont remarquablement informé le PS sur les options budgétaires du gouvernement Michel.

Depuis, la majorité a “resserré quelques boulons”, nous dit-on pudiquement. Lors de la précédente législature, les ministres écologistes avaient aussi constaté que leurs projets filaient vers leurs partenaires PS et cdH bien avant d’être inscrits à l’ordre du jour du gouvernement wallon ou communautaire…

La méfiance entre politiques et administration: un cancer qui mine la société belge

Voilà pourquoi, les effectifs des cabinets ministériels belges sont si abondants. Et qu’arrive-t-il en fin de législature ? Les gens sont recasés dans l’administration, éventuellement après un examen pour faire bonne mesure. Ils savent très bien à qui ils doivent le poste ou la promotion et, sans qu’on ne leur demande, ils utiliseront leurs nouvelles fonctions pour renvoyer l’ascenseur. Le ministre suivant devra donc à son tour renforcer son cabinet et ainsi de suite. Le cercle vicieux dans toute sa splendeur.

La plupart des cadres administratifs ont une étiquette politique, plus ou moins clairement assumée. Qui peut trouver cela normal ? A une époque pas si lointaine, la valse des étiquettes concernait même les magistrats ! Depuis, cela s’est assaini pour la nomination des juges mais pas encore dans toutes les instances de régulation (énergie, télécoms, secteur financier…). Ces dernières sont souvent méprisées par le politique, qui les contourne à qui mieux-mieux. Inimaginable dans un pays anglo-saxon. Là, l’arsenal réglementaire est sans doute un peu moins touffu mais son respect est imposé de manière beaucoup plus stricte, par des arbitres jouissant d’une compétence et d’une autorité reconnues. Un élément indispensable pour une saine concurrence et que nous n’avons, hélas, que trop partiellement chez nous.

Plusieurs initiatives ont été prises ces dernières années pour tenter d’enrayer le phénomène. Le régime des mandats de législature doit conduire à des top managers en phase avec leur ministre de tutelle. Revers de la médaille : il faut apprendre à accepter une éventuelle rétrogradation quand le ministre change, ce qui se heurte au principe des “droits acquis”.

L’école d’administration publique, lancée en Fédération Wallonie-Bruxelles, vise aussi à assainir les relations cabinets-administration. Les futurs cadres de la fonction publique − issus de l’interne, du privé ou des cabinets − y suivent des formations communes et tissent ainsi des relations personnelles qui devraient, demain, conduire à des rapports plus spontanément respectueux. Allez, le chemin est long mais il y a peut-être des raisons d’être optimistes.

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