La guerre du rouble pour le gaz russe

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L’Allemagne, l’Autriche et peut-être l’Italie envisagent de payer leur gaz en roubles. Une exigence cruciale du Kremlin. Voici pourquoi.

Imaginez : vous recevez un salaire, on vous règle vos factures, mais vous ne pouvez rien en faire, parce que vous n’avez pas de moyen de paiement. Tout ce que vous pouvez faire est de regarder votre compte gonfler, sans pouvoir y toucher. Cette situation frustrante est pour l’instant celle de la Russie. La Russie reçoit de l’Europe, selon certaines estimations, 800 millions d’euros par jour en échange de ses livraisons de gaz. La flambée des prix fait les choux gras de Gazprom, groupe dont l’Etat russe détient la majorité. L’an dernier, ses ventes ont atteint 10.200 milliards de roubles (140 milliards d’euros environ), soit une hausse de 62 % et son bénéfice net a explosé, passant de 135 milliards de roubles en 2020 à 2.100 milliards de roubles (28 milliards d’euros). “La situation des prix, combinée à notre politique d’approvisionnement soigneusement élaborée, a fait de cette année l’une des plus réussies de l’histoire de Gazprom”, se réjouit Famil Sadygov, directeur général adjoint.

Le piège Target 2

Où est donc le problème ? Réponse de Maria Demertzis, directrice adjointe du think tank Bruegel sur Twitter : “Tout paiement en euros doit être réglé via Target 2”. Target 2 est le système de règlement en temps réel qui est géré par les banques centrales de la zone euro. La quasi-totalité des transactions en euros d’un montant important passe par ce système. C’est via Target 2 que les importateurs de gaz occidentaux paient donc Gazprombank, la filiale financière de Gazprom, qui n’est pas visée par les sanctions.

Cet argent est versé sur le compte ouvert par l’Etat russe chez Gazprombank, mais “l’Etat russe ne peut y accéder, poursuit Maria Demertzis. Toute transaction impliquant l’euro que l’Etat russe pourrait tenter d’effectuer, via les marchés ou la Banque de Russie, devrait être réglée avec Target 2 et serait visée par les sanctions”.

Si la Russie veut bénéficier des revenus de son gaz, elle doit donc impérativement être payée en roubles (ou dans une devise exemptée de sanctions, comme le renminbi chinois). C’est ce qui explique le décret du 31 mars signé par Vladimir Poutine qui exige que tous les clients de Gazprom paient désormais leurs factures gazières en monnaie russe. Et devant le refus de la Pologne et la Bulgarie de se plier à ces exigences, Gazprom a arrêté ses livraisons à ces deux pays le 27 avril.

Mais ce lundi, lors d’une réunion exceptionnelle des ministres européens de l’Energie, l’Union européenne a réaffirmé son refus de payer en roubles. Des paiements sont attendus en mai et la commissaire à l’Energie Kadri Simson déclare qu’exiger de payer en roubles est “une modification unilatérale et injustifiée des contrats et il est légitime de la rejeter”. “Nous devons nous préparer à une suspension des approvisionnements, ajoute-t-elle. Nous pouvons gérer le remplacement de deux tiers des approvisionnements en gaz russe.”

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