La Grèce est-elle sauvée pour de bon ?

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L’accord conclu par l’Eurogroupe va permettre à la Grèce de respirer jusqu’en 2014. Mais de nombreux experts doutent que sa dette publique retrouve un niveau soutenable d’ici à 2020. Le feuilleton grec est loin d’être terminé…

La zone euro a décidé mardi, au terme de plus de treize heures de tractations, d’un nouveau plan de sauvetage pour la Grèce atteignant potentiellement 237 milliards d’euros. A peine voté, ce plan paraît déjà fragile. A très court terme, cela permet à la Grèce de ne pas faire défaut sur une échéance de remboursement de 14,5 milliards d’euros qui tombe le 20 mars. Il va également sécuriser ses remboursements jusqu’en 2014 grâce à un nouveau volant de prêts publics de 117 milliards d’euros par les pays de la zone euro, auxquels pourrait s’ajouter entre 10 à 13 milliards d’euros de la part du FMI.

L’autre volet du plan porte sur un effacement de la dette de la Grèce détenue par ses créanciers privés, banques et fonds d’investissement. Ils doivent accepter une perte de 53,5% au final sur la valeur faciale de leurs créances grecques, soit un effort accru par rapport à l’objectif initial qui était de 50%. Cela doit permettre de réduire la dette du pays d’un montant de 107 milliards d’euros, un record dans l’histoire économique – le précédent était jusqu’ici détenu par l’Argentine, dont la dette atteignait 82 milliards de dollars (73 milliards d’euros environ au cours de l’époque) lorsqu’elle avait fait défaut, en janvier 2002.

Plusieurs incertitudes demeurent toutefois sur le bouclage du plan. Tout d’abord, il faut que les banques répondent en nombre suffisant à l’appel. L’accord a été négocié par le président de l’Institut de la finance internationale (IIF), Charles Dalara. Il reste maintenant à convaincre au moins 90% des créanciers privés de participer volontairement à ce plan. La deuxième zone d’ombre concerne la BCE. La banque centrale européenne va mettre au pot de la restructuration au moins une partie quelque 45 à 50 milliards d’obligations grecques qu’elle a acquises sur le marché secondaire depuis 2010. La manne potentielle totale est évaluée suivant les sources entre 10 et 13 milliards d’euros. Mais in fine cela pourrait ne rapporter à la Grèce que 1,8 milliard.

Sans croissance, la Grèce ne pourra redresser ses finances

Surtout, l’objectif de ce plan, à savoir ramener la dette publique grecque à 120,5% du PIB en 2020 pour la rendre soutenable, contre plus de 160% aujourd’hui, paraît trop optimiste. Selon un rapport confidentiel rédigé par les experts de la “troïka” en Grèce (UE, FMI et BCE), ce nouveau plan d’aide a de grandes chances de dérailler et la dette grecque exploser pour atteindre des niveaux ingérables d’ici 2020. Cette analyse de neuf pages datée du 15 février, qui a servi de document de travail à l’Eurogroupe, estime que “compte tenu des risques, le programme grec restera exposé à des dérapages, la question de sa viabilité restant posée”.

Tout d’abord, parce que les élections anticipées en avril pourraient bouleverser la donne politique. Les partenaires européens de la Grèce ont obtenu des assurances des deux principaux partis actuels, les socialistes et la Nouvelle Démocratie (droite), qu’ils tiendraient promesse y compris après les élections. Mais ces partis perdent du terrain dans les intentions de vote, au profit des partis extrémistes opposés aux mesures d’austérité. Or Athènes n’a d’autre choix que d’accélérer les réformes d’économie budgétaire. En effet, en vertu du nouvel accord, le service de la dette grecque sera désormais assuré via le versement des fonds européens sur un compte bloqué. Ce qui empêchera Athènes d’utiliser l’aide européenne sur d’autres postes budgétaires, paiement des salaires des fonctionnaires ou des retraites par exemple.

Les experts de la troïka estiment que ces mesures pourraient aggraver la récession qui frappe le pays depuis cinq ans. Sans croissance, le pays ne parviendra pas à dégager un excédent budgétaire primaire (hors charge de la dette). Pour ramener la dette publique à 120% du PIB en 2020, il faudrait que la croissance atteigne au moins 2,5%, voire 3% par an à compter de 2013 et que le solde budgétaire primaire si situe autour de +4%, contre -2,5% actuellement. Selon les économistes de Natixis, la Grèce devrait connaître cette année encore un recul du PIB de l’ordre de 4,5% après une baisse de 6,8% en 2011. Dans ce contexte et avec des hypothèses plus réalistes en termes de croissance et de rythme de consolidation budgétaire, la dette devrait atteindre plutôt atteindre 132% du PIB à l’horizon 2020, selon Natixis, 129% selon la troïka. Conclusion: la Grèce aura probablement besoin d’un nouveau plan de sauvetage.

Trends.be, avec Lexpansion.com

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