La crise politique actuelle nous coûte 9 milliards d’euros par an !

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La FEB lance un nouveau simulateur qui permet de calculer, en temps réel, l’impact de mesures politiques en matière de solde budgétaire, de dette publique et de croissance économique. Un outil précieux pour les négociateurs mais qui révèle des chiffres inquiétants pour notre portefeuille. Présentation en exclusivité.

La Belgique n’a toujours pas de gouvernement fédéral. Et alors ? Cela ne semble décidément pas tracasser grand monde. Les choses ne vont-elles finalement pas si mal ? “Tout est sous contrôle”, assure notre Premier ministre en “affaires permanentes”, un Yves Leterme d’autant plus convaincant que les spéculateurs ont à présent (mais pour combien de temps ?) détourné leur regard de notre pays. Mais la Belgique est-elle durablement sauvée des eaux ? On est loin de le penser à la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) qui pointe déjà le défi auquel notre pays va indubitablement être confronté en raison du vieillissement de la population qui ne fera que s’accroître au cours des décennies à venir. Un défi à chiffrer au plus près. Aussi a-elle mis au point un tout nouveau calculateur-simulateur d’impact à long terme qui permet de mesurer le coût des décisions politiques. Un outil d’objectivation, insiste-t-elle. “Le modèle informatique sert à vérifier si la stratégie envisagée conduit bien aux résultats souhaités. Ce calculateur-simulateur n’est évidemment pas là pour définir la stratégie proprement dite”, insiste Geert Vancronenburg, conseiller en macroéconomie à la FEB et concepteur de l’application. Mais le simulateur permet de répondre à des questions comme la liaison de l’évolution des allocations sociales avec celle des salaires, l’âge légal de la retraite, la croissance des dépenses de santé, etc. “Les résultats obtenus sont exprimés sous forme de trois graphiques, respectivement à la croissance économique, au solde budgétaire et à la dette publique”, précise Geert Vancronenburg.

En pratique Le calculateur-simulateur a permis au département économique de la FEB d’alimenter aussi le débat politique grâce à un exercice sur le financement du coût du vieillissement. “Nous nous sommes posés la question de savoir quel aurait été l’impact sur le déficit budgétaire et sur le taux d’endettement par rapport au PIB si certaines ‘mesures courageuses’ avaient été prises dès l’époque dite de l’orange-bleue (NDLR, courbe bleue). Pour y parvenir, nous avons procédé à un exercice en prenant des hypothèses parmi d’autres. En l’espèce, une croissance des frais de fonctionnement des pouvoirs publics correspondant à la moitié de la croissance économique nominale, une croissance des coûts des soins de santé de 2,5 % (contre environ 3,5 % actuellement) au-delà de l’inflation et une liaison des allocations sociales qui suivrait aux trois quarts la croissance des salaires, au-delà de l’inflation également. Idem si ces mêmes mesures étaient prises cette année (NDLR, courbe rouge), explique Isabelle Callens, chief economist de la FEB. Le constat est édifiant : rien que sur 2010, le retard pris dans l’implantation des mesures pour gérer le coût du vieillissement impacte le solde budgétaire à hauteur de 2,7 % du PIB !” Sachant que le PIB belge tourne aux alentours de 344 milliards d’euros, ce n’est donc pas moins qu’un montant annuel d’environ 9 milliards d’euros d’économies à côté duquel nous sommes passés depuis 2008 ! “Pour ce qui relève du taux d’endettement des pouvoirs publics par rapport au PIB, nous aurions certainement pu revenir assez vite dans les clous du pacte de stabilité européen. Par contre, ces mêmes mesures, prises cette année, ne seraient pas suffisantes. Tout au plus et toutes choses étant égales par ailleurs limiterions-nous la casse, jusqu’en 2035, en stabilisant la dette publique par rapport au PIB aux alentours de 100 %, insuffisant donc par rapport aux exigences européennes…”

Un outil impitoyable Et Rudi Thomaes, administrateur délégué de la FEB, d’enchaîner : “Depuis les élections de juin 2007, on attend des décisions – courageuses – par rapport aux mesures à prendre pour supporter le coût de ce vieillissement. Cela nous a fait perdre des opportunités. Cela étant, le jour où nous aurons, enfin, un gouvernement fédéral, il faudra qu’il prenne vraiment ce problème à bout de bras. A charge pour les ministres de passer du stade des slogans à celui des chiffres !” Face aux acteurs du monde politique pour qui la notion de long terme s’apparente malheureusement trop souvent avec échéance électorale, la FEB entend bien poser le débat du coût du financement du vieillissement sur la base de perspectives qui s’étalent sur deux générations, voire plus. “Chaque année, le Comité d’études sur le vieillissement publie son rapport sur le coût attendu du vieillissement de la population en Belgique, explique Rudi Thomaes. Ce rapport est d’une valeur inestimable, étant donné qu’il s’agit d’une des rares occasions où le long terme est pris en compte dans le débat public. Cela étant, ce rapport ne donne pas encore de réponse définitive à l’ampleur du défi qui nous attend, et ce, pour deux raisons. D’abord, le coût projeté du vieillissement dépend grandement des hypothèses spécifiques qu’il faut indubitablement poser. Cet aspect est partiellement composé par les différentes analyses de sensibilité qui sont effectuées, mais celles-ci se limitent souvent à la modification d’une variable à la fois. Par exemple, de combien le coût du vieillissement va-t-il diminuer si nous portions le taux d’emploi des travailleurs de plus de 55 ans à celui des pays scandinaves ? Ou, à combien s’élèverait le surcoût du vieillissement si la croissance de la productivité annuelle moyenne n’était pas, par exemple, de 1,75 % mais de 1,50 % ? La seconde raison est qu’on ne sait évidemment pas comment le coût du vieillissement sera financé. La pression fiscale va-t-elle encore augmenter ? Va-t-on diminuer les coûts de fonctionnement des pouvoirs publics ? Etc. Avoir une estimation du coût du vieillissement est une chose, savoir quelles mesures sont nécessaires pour éviter que cela ne fasse déraper notre dette publique en est une autre.”

Le modèle de la FEB a également permis de mesurer les conséquences désastreuses que pourrait avoir la persistance d’un “laisser-faire, laisser-agir” politique sur notre déficit. “De fait, si notre taux d’emploi, la croissance de notre productivité et l’augmentation des dépenses (frais de fonctionnement des pouvoirs publics, dépenses de santé, pension, chômage,…) évoluent ces quinze prochaines années comme au cours de ces dix dernières années, notre taux d’endettement dépasserait, dès 2025, les 150 % du PIB !”, prévient Rudi Thomaes.

Avec son calculateur-simulateur, la FEB comme c’est déjà le cas aux Pays-Bas, veut permettre tant aux décideurs qu’à leurs interlocuteurs d’être informés le mieux possible par rapport aux conséquences tangibles des choix politiques qui seraient faits et ce, dans une perspective de (très) long terme.

Jean-Marc Damry

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