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La consommation est-elle en péril ?

Comment se comporte la consommation des ménages en 2016 dans ce contexte assez particulier où se mêlent reprise économique et chocs négatifs ? La consommation représente, faut-il le rappeler, plus de la moitié du PIB et est donc une variable clé de l’activité économique en Belgique.

Plusieurs indicateurs permettent d’en avoir un aperçu. L’un d’entre eux a un comportement pour le moins étrange pour le moment. En effet, les dernières statistiques de ventes au détail (un indicateur de la consommation des ménages basé sur les données de chiffres d’affaires des commerces) ne sont pas bonnes du tout. Au cours des six premiers mois de 2016, les ventes au détail auraient ainsi diminué de 2,4 % par rapport à la même période de 2015.

Intuitions trompeuses

La création d’emploi est le guide principal de la consommation.

Il serait facile d’en conclure que les mesures du gouvernement (saut d’index, hausses de taxes) sont responsables d’une baisse de la consommation des ménages, reflétée dans les ventes au détail. La combinaison de la modération salariale et d’une inflation artificiellement élevée par des taxes depuis près d’un an maintenant tendrait même à confirmer cette intuition. Cependant, la réalité est plus complexe. En particulier, cette explication n’est pas très cohérente avec l’évolution des autres indicateurs de la consommation : la confiance des ménages, sans être formidable, reste solide, et même plus solide que ce que l’on aurait pu attendre compte tenu des événements tragiques que la Belgique a connus. De plus, la consommation telle que mesurée dans les comptes nationaux a progressé de 0,8 % entre mars 2015 et mars 2016.

La croissance du PIB au deuxième trimestre (dont la première estimation a été publiée fin juillet) laisse par ailleurs entendre que ce chiffre devrait encore s’améliorer en cours d’année. Mais surtout, le marché du travail se porte mieux : l’économie belge crée plus de 10.000 emplois nets chaque trimestre et le taux de chômage diminue lentement. Or, la création d’emplois est le guide principal de la consommation. Alors comment expliquer une telle incohérence entre les ventes au détail (qui sont pourtant dans la plupart des pays un bon indicateur de l’évolution de la consommation) et les autres indicateurs plus rassurants ?

Sonnette d’alarme ?

Au-delà de possibles erreurs statistiques (par exemple, la diminution de près de 10 % des ventes de carburant selon les chiffres publiés paraît plus que suspecte), l’érosion des ventes au détail peut aussi refléter l’évolution structurelle des modes de consommation. En effet, au contraire du total des ventes, l’e-commerce a progressé de plus de 7 % en un an. Mais ceci ne tient compte que des ventes des commerces belges. Si l’évolution des achats par internet sur des sites étrangers (autant dire la majorité des sites de ventes) est similaire, alors qu’elle n’est pas reprise dans les statistiques de ventes au détail, on peut peut-être expliquer l’érosion de ces dernières. Autrement dit, si la Belgique devait lentement rattraper son retard en matière d’e-commerce par rapport à d’autres pays mais que les achats se font principalement à partir de sites étrangers, il serait normal d’observer une diminution des ventes au détail telles qu’elles sont mesurées à ce jour. C’est à la fois rassurant, car cela veut dire que la consommation des ménages ne diminue pas réellement, mais c’est aussi très inquiétant car des commerce sont en train de perdre des parts de marché, et ce même au niveau local.

Cela doit nous rappeler que si dans de nombreux secteurs, la robotisation et les nouvelles technologies peuvent créer autant d’emplois qu’elles n’en détruisent et représentent de formidables opportunités pour nos entreprises, elles rebattent aussi les cartes de la concurrence en permettant à de nouveaux acteurs de prendre des parts de marché importantes aux entreprises qui ratent le virage technologique. Si ces nouveaux acteurs sont étrangers, cela se marque par des pertes d’activité économique, et donc d’emplois en Belgique. Le protectionnisme étant tout sauf une solution, un vaste plan aidant nos entreprises et commerçants à être à la pointe en matière technologique pour accompagner et profiter des changements importants dans nos modes de consommation mérite d’être exploré.

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