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La combinaison gagnante pour embrasser le commerce international

Le commerce international et la libre circulation des personnes n’ont pas la cote en ce moment. Le Brexit et l’élection de Donald Trump ne sont que des exemples emblématiques d’un mouvement plus profond qui entraîne depuis deux ans une quasi-stagnation du commerce international, une augmentation forte des mesures protectionnistes et l’enlisement des accords commerciaux.

Le commerce, on y gagne…

Pourtant, les arguments en faveur du commerce international ne manquent pas : il augmente la productivité des entreprises et donc de l’économie tout entière, il stimule l’innovation, il permet l’accès à davantage de biens et services à un coût moindre ainsi qu’une amélioration des conditions socio-économiques pour un plus grand nombre de personnes à travers la planète. Mais voilà, ces arguments ne font plus mouche.

…mais pas tous

Un pays dont le système redistributif et le système éducatif sont forts n’a pas à avoir peur du commerce et de l’ouverture.

Un plaidoyer à l’encontre du libre-échange consiste généralement à nier ces arguments en dépit de la théorie et des évidences statistiques. S’engage alors un dialogue de sourds où la raison économique passe au second plan. Il serait pourtant plus facile d’utiliser de vrais arguments. On sait, par exemple, que le libre-échange n’affecte pas le coût de la vie des consommateurs de manière équivalente. On sait aussi et surtout que l’effet du libre-échange sur le salaire des travailleurs est loin d’être égal : dans l’Union européenne, les emplois liés aux exportations offrent en moyenne un salaire 16 % plus élevé pour les personnes très qualifiées, mais seulement 5 % plus élevé pour les moins qualifiées, d’où un accroissement des inégalités salariales. A cela il faut ajouter que si certains secteurs bénéficient du commerce international, d’autres souffrent. Ainsi, environ 40 % des pertes d’emplois aux USA dans le secteur de l’équipement et 45 % dans le secteur de l’habillement s’expliquent par l’évolution du commerce international.

Le commerce, seul responsable ?

Même si l’effet net du commerce international sur une économie est positif, on ne peut nier cette réalité. Mais cela doit nous pousser à regarder la situation de manière plus globale, au lieu de stigmatiser le commerce international. Si, aujourd’hui, le sentiment envers la mondialisation est de plus en plus négatif, peut-être n’avons-nous tout simplement pas trouvé le bon équilibre entre trois piliers de notre économie : le degré d’ouverture au commerce, le système redistributif et le système éducatif. On pourrait résumer le problème de la manière suivante : l’ouverture au commerce international a apporté un surcroît de croissance économique mais aussi des inégalités salariales. Cependant, notre système redistributif, pourtant déjà très gourmand, ne semble pas avoir redistribué efficacement ce surcroît de croissance, ou du moins cela n’a pas été suffisamment perçu comme tel. Par ailleurs, notre système éducatif et de formation n’a pas été capable de fournir les compétences et les qualifications nécessaires pour bénéficier au maximum des bienfaits du commerce international, puisque nous aurions dû nous spécialiser dans la production à haute valeur ajoutée (en accord avec notre coût du travail élevé).

Pour résoudre le problème, certains sont aujourd’hui tentés d’engager la marche arrière en matière de commerce international. Ainsi, on pourrait penser qu’il y aura moins de laissés-pour-compte et que les inégalités salariales diminueront. Mais ce ne serait qu’une impasse. Qu’adviendrait-il de notre système redistributif s’il n’est plus alimenté par la croissance liée au commerce ? Accepterait-on de réduire la redistribution sous prétexte qu’une économie fermée crée moins d’inégalités salariales ? Qui oserait soutenir pareille évolution ? A supposer que les barrières commerciales permettent le rapatriement de productions de base (nécessitant une main-d’oeuvre peu qualifiée), est-ce vraiment un prétexte pour laisser notre système éducatif au fin fond des classements Pisa ? Mais surtout, est-ce compatible avec les révolutions technologiques que nous connaissons et qui demandent sans cesse plus de qualifications des personnes sur le marché du travail ?

Un pays dont le système redistributif et le système éducatif sont forts n’a pas à avoir peur du commerce et de l’ouverture. Au contraire, il a tout à y gagner. C’est aussi comme cela qu’il faut comprendre l’enthousiasme de Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, face à l’ouverture, tant commerciale que migratoire de son pays : il a confiance en ses institutions. Au contraire, se replier sur soi, c’est accepter l’échec de ces mêmes institutions, et croire que le repli résoudra le problème est une erreur.

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