Trends Tendances

La bonne nouvelle qui a surgi du problème grec

Depuis le début de la crise, la zone euro avance “en marche arrière”: ses membres, soucieux de préserver leur souveraineté et peu enclins à décider de vraies réformes (voir chez nous le détricotage du tax shift) rechignent face aux règles européennes.

La “voiture Europe” progresse à reculons, avec l’imprécision liée à une telle manoeuvre: on heurte ici certains principes démocratiques, là-bas le simple bon sens… Mais on avance.

Déjà au milieu de l’année 2012, lorsqu’on était au bord de l’implosion de la zone euro, Herman Van Rompuy avait accouché d’un célèbre rapport, dans lequel il voulait rassembler les Européens autour d’une union bancaire, d’une union budgétaire et d’une harmonisation fiscale et sociale. Et on avait commencé, en rechignant évidemment, à renforcer ces trois piliers.

La “voiture Europe” avance “en marche arrière”, avec l’imprécision liée à une telle manoeuvre…

Lundi dernier, au moment où le sort de la Grèce se décidait et où l’on se posait encore des questions existentielles sur le futur de la zone euro, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a voulu à nouveau frapper un grand coup, en présentant un nouveau document de travail destiné à “parachever l’union économique et monétaire”.

Apôtre du fédéralisme européen, Jean-Claude Juncker, aidé de quatre coreligionnaires (le président de l’Union Donald Tusk, le président de la BCE Mario Draghi, le président du Parlement européen Martin Schulz et le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem), propose de travailler en deux grandes étapes, l’une courant jusqu’en 2017, l’autre jusqu’en 2025. Avec un solide sens du timing, l’ancien Premier ministre luxembourgeois profite ainsi du momentum favorable en Allemagne et dans les pays du “noyau dur” pour tenter d’engranger un accord : on renforce les règles budgétaires, mais on consolide certains mécanismes fédérateurs.

A court terme, il propose de s’appuyer sur les textes qui existent déjà pour donner un coup de fouet au processus de convergence et doper la compétitivité dans des pays qui en ont bien besoin. Une de ses idées consiste à généraliser au niveau de la zone euro un de nos instruments belgo-belges : chaque Etat membre serait obligé de se doter d’une autorité de la compétitivité, chapeautée au niveau européen, afin que les salaires marchent en ligne avec les gains de productivité.

Parallèlement, on créerait enfin un vrai fonds de garantie des dépôts commun à l’échelle européenne, projet dont l’Allemagne ne voulait pas entendre parler jusqu’ici. Un élément pourtant indispensable pour parachever l’union bancaire : aujourd’hui, en cas de crise dans un pays — au hasard, la Grèce — les épargnants apeurés vident leurs comptes et placent leur épargne dans des banques logées dans des pays réputés plus solides. Avec pour effet immanquable d’aggraver encore la crise de leur pays. La zone euro devrait aussi se doter d’un conseil budgétaire, qui analyserait les politiques des divers Etats et leurs effets sur la zone. Peut-être sera-t-on alors convaincu qu’une austérité trop générale et trop sévère amène immanquablement la récession.

A plus long terme, le président de la Commission envisage la création d’un “Trésor” européen et souhaite que la zone euro se dote d’une sorte de ministre des Finances pour la représenter à l’extérieur. Certains voient dans ces mesures l’embryon d’un vrai budget européen, avec une vraie agence de la dette. Juncker prône aussi la création d’un marché unique des capitaux, ce qui passe, entre autres, par l’harmonisation du droit des sociétés.

On sait qu’entre ce projet et sa mise en oeuvre il y aura encore des hésitations, des négociations, des ajustements. Mais de ces longs mois angoissants pour résoudre le problème grec a surgi au moins une bonne nouvelle : même s’il a connu des embardées et en est sorti parfois cabossé, le processus d’intégration européen continue d’avancer.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content