Mathieu Maes

La Belgique surexposée aux risques du nationalisme vaccinal

Au plus une économie est ouverte, comme celle de la Belgique, au plus son commerce international risque de souffrir de l’impact d’une couverture vaccinale inégale dans le monde.

Alors que la Belgique a officiellement lancé sa campagne de vaccination depuis un mois, d’aucuns sont inquiets de la comparaison des performances nationales durant cette période avec nos pays voisins, ou critiques par rapport aux chiffres européens de vaccination.

Cette semaine, une étude avertit en plus des dangers économiques, pour les pays les plus riches, du nationalisme vaccinal – à savoir, ne se soucier que d’une immunité collective sur son territoire, en perdant de vue toute coordination multilatérale et la solidarité avec les pays les plus pauvres.

Une réalité morale, et économique

Comme le montre cette étude commissionnée par la Fondation pour la Recherche de la Chambre de Commerce Internationale (ICC Research Foundation) et reprise par des médias du monde entier, garantir un accès équitable aux tests, aux traitements et aux vaccins COVID-19 n’est pas seulement un choix moral : toute alternative est aussi économiquement irresponsable, d’autant plus pour des pays fortement dépendants des chaines d’approvisionnement internationales comme la Belgique.

L’économie mondiale risque de perdre jusqu’à 9,2 mille milliards de dollars si les gouvernements des pays développés ne parviennent pas à garantir l’accès des économies en développement aux vaccins COVID-19, avec la moitié de la perte qui reviendrait aux économies avancées.

Même dans un scénario optimiste, où les pays en développement seraient en mesure de vacciner la moitié de leur population d’ici la fin de l’année, le total des pertes mondiales ne baisseraient qu’à 4,4 mille milliards de dollars – dont 53% seraient supportés par les économies avancées, soit 2,4 mille milliards de dollars de perte de PIB.

Aucun pays n’est une île

L’étude à laquelle a participé l’économiste turque Sebnem Kalemli-Ozcan, de l’Université du Maryland, met en exergue les coûts économiques d’une distribution sous-optimale de vaccins pour le système du commerce international à l’échelle mondiale, montrant que même si un pays particulier peut bénéficier d’un accès privilégié au vaccin, il ne peut que “connaître une reprise lente avec un frein sur son PIB” si ses partenaires commerciaux ne peuvent pas bénéficier d’un accès comparable.

Enfin, l’article démontre également que les économies et les secteurs fortement exposés à l’international subiront le plus gros des pertes économiques. Un sérieux avertissement pour la Belgique, mais aussi pour la France, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, l’Espagne, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis – tous des pays qui risquent de subir des pertes de PIB de plus de 3,9% par rapport à un monde où tous les pays seraient vaccinés au même tempo.

27,2 milliards, c’est l’investissement qui serait nécessaire par les économies les plus riches pour financer efficacement le dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID-19 (Accélérateur ACT) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Un montant dont le retour pourrait monter jusqu’à 166 fois la mise pour les Etats donateurs.

Une course contre la montre

Le Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur-général de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui réagissait au lancement de l’étude, a rappelé que “Plus nous attendons pour fournir des vaccins, des tests et des traitements à tous les pays, plus vite le virus prendra racine, plus le potentiel de variantes émergera, plus les vaccins d’aujourd’hui pourraient devenir inefficaces et plus ce sera difficile pour tous les pays de récupérer.”

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