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“L’urgence est d’avoir une volonté politique farouche, commune, pour faire advenir un plan de relance tonique et aller chercher tous les moyens possibles, partout”

La tâche du politique, aujourd’hui, est loin d’être simple. Il en faut, du courage, pour affronter une crise sanitaire et économique jamais vue depuis un siècle !

Il faut essayer, calculette dans une main, porte-voix dans l’autre, de mettre en place des mesures d’intérêt commun qui se heurtent à d’innombrables intérêts particuliers. Il faut sauver des secteurs naufragés comme l’horeca et la culture, tout en gardant un oeil sur les défis futurs : le climat, l’innovation, l’Europe, les inégalités, les finances publiques, les soins de santé, les retraites…

Ceci dit, et sans jouer au café du commerce, il y a un élément qui frappe ces dernières semaines : c’est le manque d’efficience de l’Etat. Le patron de l’Union wallonne des entreprises le souligne dans ce magazine : après l’histoire des masques, voici que les autorités sont encore incapables aujourd’hui de dresser une procédure claire (qui doit faire quoi, quand et comment) lorsqu’un employé tombe malade au travail. Fédéral et Régions se renvoient la balle.

Demême, on a assisté voici quelques jours, dans les colonnes de L’Echo, à la colère rentrée de la patronne de Keyrus Pharma, Michèle Paque, qui chapeaute un consortium réunissant 20 entreprises, quatre universités (trois francophones et une flamande) et des experts de haut niveau. Ce groupe a mis au point depuis cinq semaines un système entier de dépistage et de traçage avec, certes, une application pour smartphone, mais aussi un système ad hoc pour les personnes âgées et les enfants, avec une intelligence artificielle pour corriger les erreurs, un soutien de l’académie de médecine, etc. Mais aucune réaction du côté politique, fédéral ou régional, qui a pourtant été contacté depuis longtemps. Les seuls intérêts sont venus des autorités françaises, allemandes et luxembourgeoises, qui savent combien il est crucial de trouver rapidement le système de dépistage le plus efficace afin d’éviter de devoir confiner une nouvelle fois. Ce qui signifierait notre mort économique.

Face à cette inefficience étatique, on se prend à craindre, maintenant que la Commission européenne a enclenché son plan de relance de 750 milliards (qui doit encore être validé par les Etats), que nous ne soyons pas prêts à recevoir cette manne. Car ce soutien de l’Europe est conditionné à l’acceptation par la Commission des plans de relance des Etats membres. Les diverses tranches de subsides et de prêts ne se débloqueront pas automatiquement. Cet argent, c’est normal, doit être mérité. La Belgique doit donc se mettre rapidement au travail pour rédiger le meilleur plan possible.

Et l’on voit ici s’approcher l’iceberg institutionnel. Au début de la crise, la Flandre avait bloqué le vote belge sur un fonds coronavirus pour des raisons communautaires. Elle était mécontente de la clé de répartition de cet argent, clé façonnée par la Commission et qui favorisait le sud du pays puisqu’il était le plus pauvre. Et si la Wallonie était davantage touchée, après tout, c’était de sa faute. Les Wallons ne sont-ils pas tous ignares, paresseux, communistes et alcooliques ?

Ce plan de relance européen sera donc le révélateur de la volonté politique belge, à tous les niveaux. Car les ratés des pouvoirs publics ne sont pas dus, comme on le dit encore trop souvent, à la structure de l’Etat. Certes, parfois, cette ” lasagne institutionnelle ” n’aide pas à prendre des décisions. Mais ce n’est pas là le problème. Des Etats fédéraux comme l’Allemagne ou la Suisse fonctionnent sans problème malgré leurs divers niveaux de pouvoir.

Il n’est plus temps de se renvoyer la patate chaude, entre fédéral et Régions, entre Wallons, Bruxellois et Flamands. L’urgence est d’avoir une volonté politique farouche, commune, pour faire advenir un plan de relance tonique et aller chercher tous les moyens possibles, partout. Avec les dents. Sans a priori politique ou linguistique. Pour le bien de tous.

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