L’ouvrier américain, première victime de la guerre commerciale de Trump ?

Un supporteur de Donald Trump attend son arrivée à Melbourne, en Floride. © Reuters

En taxant lourdement les importations d’acier et d’aluminium, Donald Trump espère protéger les emplois, mais sa politique risque non seulement d’exaspérer ses partenaires commerciaux mais aussi de coûter cher aux ouvriers américains, jugent des experts.

Le président américain a affirmé jeudi qu’il annoncerait la semaine prochaine l’imposition de droits de douane de 25% sur l’acier et 10% sur l’aluminium importés par les Etats-Unis.

Ses propos ont aussitôt suscité une vague d’indignation dans le monde, de l’Union européenne au Canada et à la Chine, signe d’une potentielle guerre commerciale avec ses principaux partenaires.

L’acier, et dans une moindre mesure l’aluminium, font depuis des années l’objet de frictions et focalisent les tensions commerciales au niveau mondial.

“C’est parce qu’il y a une surcapacité dans l’acier au niveau mondial et que les emplois sont concentrés dans les régions qui ont souffert de la désindustrialisation”, explique à l’AFP Nigel Driffield, professeur de commerce international à la Warwick Business School.

L’importance de l’acier et de l’aluminium dans le commerce international tient également au fait qu’ils sont utilisés dans de nombreux secteurs cruciaux, essentiellement dans la construction et les infrastructures, les équipements mécaniques et l’industrie automobile. On les retrouve même dans les canettes de Coca-Cola.

Canada, Brésil, Corée

“Il y a aussi une tension en Occident entre ceux qui produisent l’acier… et ceux qui l’utilisent et sont contents d’acheter de l’acier moins cher en provenance d’Asie”, Nigel Driffield.

L’an dernier, les Etats-Unis ont importé 35,6 millions de tonnes d’acier, soit environ 36% de leur consommation ou l’équivalent de 33,6 milliards de dollars, selon les chiffres du cabinet Wood Mackenzie.

La Chine n’a pourtant compté que pour environ 2,9% des importations américaines.

“Les droits de douane n’auront pas tellement d’impact sur les exportations d’acier chinois et la Chine n’a pas autant à perdre que les partenaires commerciaux traditionnels des Etats-Unis”, note ainsi Ming He, de Wood Mackenzie.

“Les mesures protectionnistes qui sont envisagées auront plus d’effets négatifs sur les importations d’acier en provenance du Canada, du Mexique et du Brésil”, estime l’analyste. Et la Corée du Sud “sera lourdement touchée”.

Si la politique de Donald Trump irrite ses partenaires internationaux, elle risque aussi de tomber à plat sur le plan intérieur.

“Rust belt”

Elle vise l’électorat de la “Rust Belt”, cette région du Nord-est des Etats-Unis où étaient implantées les industries lourdes aujourd’hui en déclin.

Les annonces du président américain “vont très bien passer auprès de ces électeurs, qui ont l’impression d’avoir été injustement frappés par la concurrence meilleur marché en provenance d’Asie”, note Nigel Driffield.

Mais “en général, les mesures de protectionnisme commercial comme celles-ci ne marchent qu’à court terme”, ajoute-t-il.

Certains économistes s’inquiètent en effet des conséquences néfastes de ces dernières annonces pour la confiance des acteurs économiques et finalement pour l’activité aux Etats-Unis comme ailleurs.

“Quelles qu’en soient les raisons, l’imposition de ces droits de douane est un mauvais choix économique et le moment est mal choisi”, estiment ainsi les économistes de Berenberg. De quoi potentiellement atténuer les effets positifs de la réforme fiscale de Donald Trump, jugent-ils.

Au final, les ouvrier américains que Donald Trump cherche à séduire risquent d’être les victimes de sa politique économique.

“Les taxes sur l’acier ne vont pas résoudre le problème de fond – les coûts élevés de la sidérurgie américaine – qui a forcé les utilisateurs à chercher des importations moins chères”, estime Ming He.

“L’intention de Donald Trump est de protéger les employés des secteurs de l’aluminium et de l’acier mais cela sera neutralisé par des pertes d’emplois plus nombreuses dans les industries qui consomment beaucoup de métaux, comme l’automobile”, met-il en garde.

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