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L’Italie, un orteil en dehors de la zone euro

Les mini-Bots… Depuis quelques jours, on ne parle que de cela en Italie. Contrairement à ce que leur nom pourrait laisser penser, ce ne sont ni des nouveaux héros de la série Transformers, ni des nano-robots révolutionnaires. Les mini-Bots, invention de Claudio Borghi Aquilini, économiste de la Ligue, sont pourtant tout aussi disruptifs, car ils pourraient aider l’Italie à sortir de l’euro. Une idée qui est caressée, on le sait, par la Ligue du vice-Premier ministre italien Matteo Salvini. Un parti qui est sorti largement renforcé aux dernières élections européennes.

D’abord quelques précisions. Les mini-Bots sont un projet italien d’émission de ” bons ordinaires du Trésor ” (autrement dit des bons d’Etat). Les coupures seraient de très petites tailles (comprises entre 1 et 500 euros), ne porteraient pas d’intérêt ni d’échéance et seraient émises sous forme physique. Elles seraient imprimées par l’entreprise qui émet des billets de Loto, et ressembleraient de facto à des billets de banque. Et voici quelques jours, le Parlement italien a donné à l’unanimité son feu vert à la création de ce nouvel outil qui serait surtout utilisé comme instrument de paiement et de ” consolidation fiscale “.

Ces mini-Bots serviraient en effet à payer les 50 milliards d’euros d’arriérés que l’Etat italien doit aux entreprises de la péninsule. Ces titres reçus par les entreprises pourraient ensuite servir à payer des impôts futurs ou des biens et des services d’entreprises liées à l’Etat, comme des factures d’énergie ou des billets de train. On peut aussi faire un pas de plus et imaginer qu’une entreprise A qui aurait reçu des mini-Bots en paiement d’un crédit d’impôt et qui devrait de l’argent à une entreprise B, la paie avec ces papiers. Et l’entreprise B utiliserait elle-même ces mini-Bots pour payer ses cotisations sociales. L’ampleur de l’émission – 50 milliards – augmenterait pendant un temps considérablement le montant de la monnaie papier en circulation (elle est estimée à environ 120 milliards d’euros aujourd’hui) et donnerait un coup de fouet momentané à l’économie du pays.

Les conséquences de ce projet – on en est encore seulement à ce stade aujourd’hui – pourraient être considérables. Car le vote du Parlement italien est un double pied de nez aux institutions européennes. Même si les partis au pouvoir en Italie prétendent le contraire, ces mini-Bots ont des caractéristiques d’obligations d’Etat et viendraient donc augmenter l’endettement italien à un moment où les dérapages budgétaires du pays sont justement menacés de sanctions par la Commission européenne.

Mais ces mini-Bots pourraient être aussi un coin enfoncé dans l’édifice toujours bien fragile de la zone euro, dont l’Italie, avec une croissance anémique et une dette publique avoisinant les 135% du PIB, constitue le maillon faible.

Car si ces papiers servent pour s’acquitter de ses impôts ou de sa facture de gaz, et si le gouvernement italien, désireux d’allonger les effets de cette injection de liquidités, décide que ces mini-Bots deviennent permanents (autrement dit, qu’il les laisse dans le circuit), l’Italie transférerait chez elle une partie du pouvoir de création monétaire qui est aujourd’hui concentré à la Banque centrale européenne à Francfort. Un transfert que la BCE, qui finance à bout de bras les banques italiennes, n’accepterait évidemment pas.

Certains hommes politiques italiens en faveur d’une sortie de la zone euro ne cachent pas que cette monnaie parallèle, aujourd’hui libellée en euro, pourrait très bien demain servir de support à un retour à la lire. La menace que vient d’activer le Parlement italien est donc bien réelle, et extrêmement dangereuse. Les marchés financiers ne se sont pas trompés, propulsant les taux italiens au-dessus des taux grecs… Et ce n’est pas un hasard : lorsque l’on fait une recherche internet sur ces instruments, on tombe en premier lieu sur des sites comme Sputnik ou Russia Today, qui salivent déjà à l’idée de voir exploser la construction européenne.

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