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L’inflation, c’est comme le dentifrice, une fois qu’il est sorti du tube, bonne chance pour le remettre à l’intérieur

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Il y a un mot qui est en train de supplanter le mot “guerre” est c’est le mot “inflation”. Il est sur toutes les lèvres ! Y compris sur les lèvres des traders en Bourse qui pour la plupart sont tellement jeunes qu’ils n’ont connu qu’une inflation très faible et des taux d’intérêt tout aussi bas. Autant dire qu’ils sont perdus…

J’ai presque envie de leur dire “bienvenue dans l’ancien monde”, celui de nos parents. En France, la présidentielle tourne beaucoup d’ailleurs autour du pouvoir d’achat : c’est à qui proposera la meilleure protection pour les Français contre la hausse des prix. En Belgique aussi l’inflation fait peur, la preuve, le représentant du parti socialiste propose de bloquer les prix. Et pourtant nous sommes le seul pays, avec Malte et le Luxembourg, à avoir une indexation salariale, ce qui est déjà en soi une belle protection. Mais elle ne suffit plus hélas, d’où cette proposition du parti socialiste de bloquer les prix, du moins pour certains produits essentiels. Quant aux Etats-Unis, si Joe Biden prélève du pétrole dans ses propres réserves stratégiques, alors qu’elles ne sont pas faites pour cela, ce n’est pas seulement pour aider l’Europe – au prix fort – mais c’est aussi pour calmer la grogne des ménages américains qui sont plus inquiets du prix de leur carburant que du sort des Ukrainiens.

D’ailleurs ce sentiment schizophrénique de soutien au peuple ukrainien mais, en même temps, comme dirait Macron, de peur de l’inflation affecte aussi les ménages européens. Après tout, nous ne sommes que des êtres humains et les fins de mois, cela compte autant qu’un sentiment de compassion à l’égard d’un peuple en plein dans les affres de la guerre.

Le souci aujourd’hui, c’est que pour lutter contre l’inflation, il y a uniquement les banques centrales. Celles-ci ont appris par le passé qu’il faut contrer le plus vite possible l’inflation avant qu’il ne soit trop tard. Comme le disait un ministre allemand, l’inflation, c’est comme le dentifrice, une fois qu’il est sorti du tube, bonne chance pour le remettre à l’intérieur. En clair, les banques centrales essaient généralement d’augmenter très vite les taux d’intérêt pour casser l’inflation avant qu’elle ne s’installe durablement. Mais aujourd’hui, cette mission, qui leur est dévolue, est quasi impossible à réaliser. Pourquoi ? Parce que cette inflation vient de la hausse du pétrole, du gaz et du blé ! En quoi, imprimer plus de billets de banque ou augmenter les taux d’intérêt va augmenter miraculeusement l’offre de pétrole, de gaz ou de blé ? En rien effectivement.

Autrement dit, la politique monétaire n’est pas très efficace en ce moment et puis, les banquiers centraux sont aussi ligotés par notre endettement. Tous nos pays ou presque sont endettés jusqu’au cou. Augmenter trop fort les taux d’intérêt reviendrait donc à nous étrangler nous-mêmes, ce serait un Lehman Brothers puissance dix, un Krach mondial comme le dit mon confrère François Lenglet. On n’y est pas encore, je vous rassure.

En attendant un éventuel refroidissement des prix, le choc inflationniste est pour le moment partagé entre les ménages, l’Etat qui, avec l’argent du contribuable, essaie de mettre quelques sparadraps ici ou là pour sauvegarder notre pouvoir d’achat et puis, le choc est aussi partagé par les entreprises qui encaissent la hausse du prix de l’énergie et des salaires. C’est le prix à payer pour notre solidarité avec le peuple ukrainien, et ce sacrifice en terme de pouvoir d’achat n’est rien – absolument rien – en comparaison de ce que subit le peuple ukrainien. Pour le reste, démarrez cette journée en pensant aux propos de l’abbé Pierre : “un sourire coûte moins cher que l’électricité mais il donne autant de lumière !”

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