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“L’Europe est consciente que l’ennemi n’est pas le peuple russe mais le nationalisme”

Lire la chronique de Thierry Afschrift Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles.

Aujourd’hui, au moins, on sait qu’une forme de nationalisme, que l’on croyait peut-être disparue, est encore capable de mener des guerres d’un autre âge.

L’horrible guerre menée par l’Etat russe contre l’Ukraine a au moins permis aux Etats européens de retrouver une capacité qui paraissait décidément perdue depuis longtemps: celle de désigner son ennemi. Lorsqu’une guerre survient, il est essentiel de savoir au moins pour quoi l’on combat et contre qui. C’est le cas cette fois puisque l’Europe, face à une menace désormais proche, est consciente que l’ennemi c’est, non pas le peuple russe, mais le nationalisme russe et son dictateur.

Cette capacité de désigner l’ennemi, l’Europe l’avait décidément perdue depuis longtemps. Même à l’époque de la guerre froide, beaucoup étaient incapables de dire clairement que le danger, c’étaient les régimes communistes russe et européens de l’Est. Se présenter comme anticommuniste était au contraire risquer parfois l’opprobre dans certains milieux.

Aujourd’hui, il n’y a que les extrêmes pour défendre Poutine en Europe occidentale. Il y a les “nouveaux communistes”, du PTB en Belgique et de Podemos en Espagne, qui, enfermés dans des schémas archaïques, croient toujours que la vérité vient de Moscou, ou parfois de Pékin, alors que les dictateurs qui règnent dans ces deux capitales ne se réfèrent heureusement même plus à la doctrine de Marx et de Lénine, responsables d’une centaine de millions de morts.

On voit aussi l’embarras de certains, à l’extrême droite, qui voyaient en Poutine une espèce de “sauveur de l’Occident” alors qu’aujourd’hui, même les nationalistes polonais ont compris qu’il n’était qu’un dictateur belliqueux. La proximité du danger a le mérite d’ouvrir les yeux. Ce n’est pas la première fois que l’on constate ces “valeurs” communes aux extrémistes de gauche et de droite. Ce qu’ils partagent, c’est le rejet de la démocratie et des libertés et une volonté de tout diriger d’en haut. Bref, ils sont des étatistes. Comme Vladimir Poutine.

C’est aussi cette incapacité de désigner l’ennemi qui empêche, depuis des décennies, les Etats occidentaux d’expliquer, face à la terreur de groupes islamistes, que c’est l’islamisme politique qu’il faut combattre. Même après les nombreux attentats commis sur le sol européen, nos dirigeants n’ont jamais été capables de le dire et d’en tirer les conséquences.

Aujourd’hui au moins, on sait qu’une forme de nationalisme que l’on croyait peut-être disparue est encore capable de mener des guerres d’un autre âge et qu’il faut être capable de le combattre. Mais tous n’ont pas encore la détermination nécessaire. Cela se voit lorsque certains pacifistes verts rechignent à envoyer des armes, même défensives, à l’Ukraine, envahie et martyrisée. C’est fort bien d’être pacifiste. Mais la meilleure manière de garantir la paix, cela a toujours été d’être suffisamment fort pour convaincre l’ennemi de ne pas vous attaquer. Peut-être que si l’Ukraine avait été mieux soutenue, avant la guerre, elle n’aurait pas été agressée.

Et pour être fort, il vaut mieux ne pas dépendre de l’ennemi que l’on a choisi de désigner. L’Allemagne, qui a renoncé à l’énergie nucléaire et dépend, comme l’Autriche et la Hongrie, très fort du gaz russe, est aujourd’hui bien embarrassée. Comme le sera la Belgique si elle commet la même erreur, celle de dépendre, pour faire fonctionner les industries et chauffer la population, d’un combustible livré essentiellement par un pays gouverné par un dictateur puissant, prêt à faire la guerre et à couper le robinet dès qu’il peut y trouver avantage.

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