L’Europe a moins à perdre du Brexit que Londres

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Accord post-Brexit ou pas, l’Europe a beaucoup moins à perdre économiquement que le Royaume-Uni, qui s’avère très dépendant à l’égard du Vieux continent, selon des économistes, même si Londres devrait conserver sa suprématie financière.

“Je vais le dire avec mon coeur, ce Brexit est une tragédie”, déclarait lundi le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton. Car, quel que soit le résultat des négociations, “la Grande-Bretagne sera perdante”.

A quelques jours de la date-butoir, les estimations parlent d’elles-mêmes : un no-deal entraînerait une perte de PIB pour l’UE de 0,75% d’ici à fin 2022. Côté britannique, la perte serait quatre fois plus importante, de 3%.

Certes, le coût de la pandémie aide à relativiser l’impact du Brexit: en 2020, le PIB de la zone euro devrait reculer de 7,8%, celui du Royaume-Uni de 11,3%.

“Cette pandémie rend le choc du Brexit presque supportable alors qu’il y a quelques mois on voyait vraiment un cataclysme”, souligne Jean-Luc Proutat, économiste chez BNP Paribas.

Malgré cela, le Royaume-Uni risque de payer au prix fort sa volonté de recouvrer sa souveraineté, près de 40 ans après son intégration au marché commun.

Le royaume est en effet très dépendant de l’Europe pour ses débouchés commerciaux: il exporte 45% de ses produits vers le continent. Or, en cas de no-deal, ses produits vont être frappés de surcoûts douaniers (tarifaires et logistiques) d’environ 12% – contre 0 quand le pays était dans l’Union douanière, calcule Ana Boata, responsable de la recherche macroéconomique chez l’assureur-crédit Euler Hermès.

Et la dépréciation de la livre – de l’ordre de 10% selon elle – risque de renchérir les importations.

Or l’économie britannique est très fortement intégrée aux chaînes de valeur mondiales. “Environ 56 % des importations britanniques en provenance de l’UE sont des biens intermédiaires”, soulignait récemment Paul Dales, de Capital Economics, dans une note intitulée “Brexit – un accord ou pas, là n’est pas l’essentiel”.

A l’inverse, l’Europe n’exporte que 5,5% de ses produits outre-Manche. Mais tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne.

L’Irlande serait en première ligne: elle exporte 15% de ses biens et services vers le Royaume-Uni, mais 40% de ses produits agro-alimentaires, selon un rapport de Copenhagen Economics pour le gouvernement irlandais. Et deux tiers de ses entreprises exportatrices passent par le Royaume-Uni pour commercer avec le continent.

Dans le reste du continent, les pays du Nord, du Benelux, l’Allemagne et la France, aux liens commerciaux étroits avec le Royaume-Uni, ont aussi plus à perdre que ceux du Sud, à l’exception de Malte, du fait d’une relation historique avec Londres.

“Les petits pays ont tendance à être plus exposés car le commerce représente une part plus importante de leur PIB”, explique Vincent Vicard, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii). Selon lui, l’industrie automobile allemande sera également très perturbée.

– La City résiste –

La France, pour sa part, a dégagé 12,5 milliards d’euros d’excédent commercial avec son voisin insulaire en 2019, où elle exporte son vin et ses produits de boulangerie. Elle s’attend à une perte de 0,1 point de PIB l’an prochain, quelle que soit l’issue des négociations. Sans parler du secteur, hautement symbolique, de la pêche, sur lequel les négociations butent toujours.

Côté britannique, l’exode prédit dans les services financiers au moment du vote pour le Brexit n’a pas eu lieu toutefois.

“L’avenir de La City ne semble pas remis en question à court terme car il n’y a pas de nouveau centre financier qui émerge en Europe”, estime Vincent Vicard. Les relocalisations, qui concernent 7.500 emplois selon le cabinet Ernst and Young, “se sont dirigées vers plusieurs places financières, en Irlande, en France, en Allemagne, au Pays-Bas, au Luxembourg, qui n’ont pas du tout la même envergure que la City” de Londres et ses 450.000 cols blancs.

Et le choc d’un no-deal pour le Royaume-Unis devrait être amorti par les “nombreuses dispositions” déjà prises depuis l’accord de retrait, rappelle Paul Dales.

Le Royaume-Uni a conclu plusieurs accords de libre-échange avec des Etats non européens, comme le Japon, la Corée du Sud, la Suisse ou Israël pour remplacer ceux qui avaient été négociés par l’UE. En attendant le grand accord rêvé par Londres avec les Etats-Unis.

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