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L’épidémie de coronavirus nous ouvre les portes du “monde d’après”

Il y a évidemment quelque chose de choquant à considérer qu’une épidémie est une chance, alors qu’elle a déjà fait 5 millions de morts et n’a pas fini sa route macabre.

On devra sans doute subir une troisième vaccination ces prochains mois, et rien n’exclut qu’un nouveau variant vienne encore retarder le temps où nous pourrons tomber le masque.

Si nous avons intitulé la couverture de ce magazine “Et si la crise était une chance?“, c’est parce que le virus, tout en semant la dévastation, a fameusement agrandi l’espace des possibles et nous a donné le sentiment que nous pouvions enfin redevenir maîtres de notre destin. Contrairement à la crise de 2008 qui, lorsqu’elle s’était terminée, nous avait ramenés plus ou moins gentiment dans le “monde d’avant”, l’épidémie nous ouvre les portes du “monde d’après”. Par son ampleur, sa nature et son timing (le virus est apparu au moment où l’on se tâtait pour savoir si, peut-être, quand même, il ne serait pas temps de prendre le taureau climatique par les cornes), la crise nous oblige à refonder entièrement notre économie.

La crise a aligné des planètes, un peu comme lorsqu’au sortir des deux conflits mondiaux, tout le monde a été poussé à reconstruire le monde, en mieux.

Tout bouge en même temps : le dogme budgétaire vole en éclats pour soutenir les investissements publics, la digitalisation passe à la surmultipliée, les objectifs de décarbonation de l’économie sont devenus très ambitieux. Bien sûr, aujourd’hui, beaucoup d’activités restent encore prisonnières du monde d’avant. Pourtant, le frémissement est général. Une nuée de projets au sein d’entreprises existantes ou de start-up qui surgissent laissent augurer des lendemains qui pourraient, qui devraient, chanter.

La crise a mobilisé des énergies, des talents, des montants considérables. On a inventé un vaccin en un an alors qu’il en fallait 10 auparavant. On a digitalisé en quelques mois l’enseignement, de nombreux commerces et industries. Même les consultations médicales peuvent se faire à distance, et le secteur des applications sanitaires est promis à un avenir radieux. La crise a décadenassé les mentalités: puisque l’on a vu les ravages que pouvait causer un petit virus, on s’est tout à coup demandé quels impacts considérables aurait la crise climatique. Nous sommes sortis d’un sentiment “d’urgence molle” pour enfin prendre le taureau climatique par les cornes. On a débloqué des centaines de milliards. On a fixé l’objectif zéro carbone pour 2050. On a aussi redécouvert l’utilité de métiers essentiels. “Le paradoxe de la situation actuelle, note l’essayiste Martial You, est que la virtualisation du monde à venir remet en première position nombre de métiers que l’on jugeait dépassés ou moribonds: les caissières des supermarchés, les éboueurs, les chauffeurs de poids lourds…”.

Le covid a créé un “momentum” comme disent les financiers. Il a aligné des planètes, un peu comme lorsqu’au sortir des deux conflits mondiaux, tout le monde a été poussé à reconstruire le monde, en mieux. A nous de profiter de ce moment. Notre devoir est de saisir cette chance. Ce ne sera pas toujours facile. Des dents vont grincer, des espoirs seront déçus. Mais après tout, il en a toujours été ainsi. Par exemple, si nous bénéficions aujourd’hui dans nos pays du maillage ferroviaire le plus dense au monde, c’est en raison de la création de lignes publiques mais aussi de la naissance de nombreuses petites compagnies privées qui ont eu des destins très variés, certains florissants (oui, John Cockerill, déjà), d’autres beaucoup moins.

La grande erreur serait, face à ce risque, de se croiser les bras et de ne nourrir aucun projet. Oscar Wilde disait que “la sagesse, c’est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit”. Nous avons de grands rêves. Poursuivons-les.

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