Trends Tendances

L’entreprise au secours des migrants?

Sur le front de l’immigration, les dernières nouvelles font froid dans le dos : 71 cadavres découverts dans un camion abandonné sur une autoroute autrichienne, dont quatre enfants, à peu près en même temps que l’annonce de la disparition de 250 autres migrants en Méditerranée, portant le total de noyades à 3.000 depuis le début de l’année. Sans parler de la photo du petit Aylan Kurdi, 3 ans, retrouvé mort noyé sur une plage de Bodrum en Turquie, qui a ému le monde entier.

Angela Merkel ne croyait pas si bien dire lorsque, il y a quelques semaines à peine, elle affirmait que l’immigration allait occuper les Européens “bien plus que la Grèce ou la stabilité de la zone euro” et que la problématique de l’asile pourrait être “le prochain projet européen qui nous permettrait de voir si nous sommes vraiment capables d’agir ensemble”. Aujourd’hui — et à raison, la chancelière utilise le présent et un ton bien plus menaçant : “Le monde nous regarde et nous devons montrer que nous sommes capables de résoudre ceci”, a-t-elle déclaré lors du sommet de Vienne.

En sommes-nous capables ? La question mérite d’être posée, l’Europe n’ayant pas vraiment brillé, ces derniers mois, par son empathie (ne parlons même pas d’héroïsme). A l’époque où elle était menacée, pourtant, de vrais héros ont oeuvré au sauvetage des Juifs d’Europe. C’est le cas de Sir Nicholas Winton, décédé en juillet dernier à l’âge de 106 ans et connu pour avoir organisé et financé, dans les années 1938-1939, le transfert d’enfants juifs depuis la ville de Prague, déjà occupée, vers le Royaume-Uni. Faisant pression sur le gouvernement britannique pour que l’asile leur soit accordé, ce jeune broker d’origine juive a également fait paraître dans les journaux locaux des annonces pour leur trouver des familles d’accueil. Ce qui sera bien plus tard baptisé le Kindertransport a permis à 669 enfants juifs d’être sauvés de l’Holocauste.

Aujourd’hui, alors que la responsabilité d’aider les personnes dans le besoin a été transférée des individus vers les Etats (Etats bien plus riches et productifs qu’ils ne l’étaient à l’époque, ce qui permet de déployer de l’aide plus largement et à moindre coût), les actes de pur altruisme se font apparemment plus rares. Car non seulement les individus considèrent que ces actes ne sont pas de leur ressort, mais en outre ils ne s’estiment visiblement pas responsables ou pas en mesure de mettre la pression nécessaire sur les Etats pour qu’ils les posent. Et, au niveau supérieur, même les appels d’Angela Merkel restent jusqu’ici sans réponse, la peur et les considérations économiques de court terme prenant le pas sur une solidarité pourtant vitale. C’est dire si l’Etat providence a perdu de son côté providentiel.

Faut-il se tourner vers l’entreprise, le “capital”, pour espérer trouver une issue à cette crise des migrants sans précédent?

Si ni les individus ni les Etats ne sont capables d’agir, faut-il dès lors se tourner vers l’entreprise, “le capital”, pour espérer trouver une issue à cette crise sans précédent ? A l’heure où les opérations de fusion et acquisition se multiplient, il y a certainement, dans les caisses de certaines multinationales, largement de quoi financer l’acheminement, l’accueil, voire même l’intégration de milliers de réfugiés en Europe. Habituées du lobbying, ces entreprises auraient même sans doute plus d’impact que n’importe quelle ONG auprès des gouvernements qui font jusqu’ici la sourde oreille.

Impensable ? Choquant ? Pas autant que l’immobilisme actuel. Et puis, le corporate social responsibility n’est-il pas terriblement à la mode ? Ce serait en tout cas une fort belle occasion de le mettre en pratique.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content