Lire la chronique d' Amid Faljaoui
L’égoïsme américain exporte son inflation en Europe
En ce lundi, j’ai envie de vous parler d’égoïsme national et de jeux d’échecs. Rassurez-vous, je sais que j’ai en charge une chronique économique et je ne compte pas déroger à la règle.
Parlons de l’égoïsme. Ce n’est peut-être pas volontaire, mais en attendant, la devise mondiale qui tire son épingle du jeu dans cette horrible guerre en Ukraine, c’est le dollar. Le billet vert a grimpé par rapport à l’euro, au yen japonais, à la livre sterling, au yuan chinois et même au franc suisse. C’est normal, en période de crise, d’inquiétudes, le dollar est la devise dans laquelle tous les investisseurs vont se réfugier. Ils le font d’autant plus facilement que les États-Unis ont été les premiers à remonter leurs taux d’intérêt. Convertir son argent en dollar, ça rapporte plus que de le laisser en euro par exemple.
Je vous parlais d’égoïsme national, car de l’aveu même de Jason Fürman, un ex-conseiller d’Obama, les États-Unis sont en train d’exporter l’inflation américaine. Ce qu’il veut dire par là, c’est qu’en boostant leur devise, les Américains achètent de moins en moins cher les produits étrangers, et donc, ils diminuent de ce fait l’inflation. C’est exactement le contraire qui se passe chez nous en Europe. Comme l’euro a faibli par rapport au dollar, tous nos produits importés coûtent plus cher et donc cela alimente l’inflation en Europe. C’est pour cette raison que cet ex-conseiller d’Obama nous dit que son pays exporte l’inflation américaine ? Ce n’est évidemment pas sympa en termes de coopération. En contrepartie, les produits made in Europe sont moins chers à l’exportation. Mais pour l’heure, la priorité, c’est moins les exportations que de calmer l’inflation. Et là, c’est raté, car les États-Unis sont uniquement préoccupés par leur nombril.
C’est là où j’en viens au jeu d’échecs. Les Russes et les Saoudiens se sont en quelque sorte mis d’accord pour faire remonter les prix du pétrole. Pas besoin de vous faire un dessein pour expliquer les motivations de Poutine. Pour les Saoudiens, c’est la volonté de se venger de Joe Biden, car ils savent qu’il y a des élections importantes aux États-Unis au mois de novembre et que les électeurs votent bien souvent en tenant compte du prix de l’essence. La Maison-Blanche est d’ailleurs furieuse, mais elle ne peut rien faire, elle ne peut même pas bloquer la livraison d’arme américaine à l’Arabie Saoudite, car cette dernière trouverait rapidement d’autres fournisseurs. L’autre raison pour laquelle le cartel des pays exportateurs de pétrole a baissé sa production pour faire remonter les cours du baril, c’est parce que justement, ils ne sont pas idiots : ils voient bien que les Américains et les Européens voudraient plafonner les cours du pétrole russe. Ils savent que si nous y arrivons, nous plafonnerons demain aussi le pétrole des autres pays exportateurs. Le cartel des pays exportateurs ne veut donc pas qu’un cartel des acheteurs de pétrole se forme sous l’influence des États-Unis. Il faut avoir le courage de parler contre le vent, en rappelant sans cesse que le monde n’est pas noir ou blanc, mais en gris et pointillé.
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