L’Allemagne se protège de la Chine et ses investissements

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Le gouvernement allemand a adopté mercredi un décret renforçant les règles sur les investissements étrangers dans ses entreprises jugées stratégiques, au moment où l’inquiétude grandit en Europe face à l’appétit de la Chine.

“Nous restons une des économies les plus ouvertes du monde mais veillons aussi à ce que les conditions de concurrence restent justes”, a déclaré la ministre de l’Economie social-démocrate, Brigitte Zypries, dans un communiqué. “Nous le devons à nos entreprises”, a-t-elle insisté.

Les pays visés ne sont pas cités en particulier mais la Chine en fait clairement partie. La chancelière, Angela Merkel, a elle-même mis en garde tout juste avant le G20 de la semaine dernière contre l’expansionnisme économique chinois, soulignant que, vue de Pékin, l’Europe était perçue comme “une péninsule asiatique”.

‘Pas naïfs’

En Allemagne, tout investissement portant sur plus de 25% du capital d’une entreprise par un investisseur situé hors de l’Union européenne (UE) ou de l’Association européenne de libre-échange (AELE) est soumis à l’examen du ministère de l’Economie. Il s’agit de vérifier si la transaction est susceptible de porter atteinte à l’ordre public ou à la sécurité du pays.

Face au nombre croissant d’achats d’entreprises, qui deviennent “aussi de plus en plus complexes”, l’Allemagne a jugé indispensable d'”adapter les modalités des procédures d’examen”, explique le ministère de l’Economie.

Berlin veut notamment se donner quatre mois au lieu de deux actuellement pour examiner les offres.

Et le champ des transactions soumises à son aval est étendu aux domaines des prestataires de services ou des fabricants de logiciels utilisés dans des secteurs stratégiques, tels que les réseaux d’électricité, les centrales nucléaires, l’approvisionnement en eau, les réseaux de télécommunications, les hôpitaux ou encore les aéroports.

Alors que les entreprises allemandes font face à des investisseurs issus de pays où “l’économie n’est pas aussi ouverte que la nôtre”, les mesures prises mercredi doivent permettre “une meilleure protection et plus de réciprocité”, souligne Brigitte Zypries.

“Nous sommes certes une économie ouverte mais nous ne sommes pas naïfs”, a déclaré moins diplomatiquement son secrétaire d’Etat, Matthias Machnig, dans les colonnes du quotidien Süddeutsche Zeitung mercredi.

La puissante fédération de l’industrie allemande (BDI) a critiqué cette posture, réclamant que l’Allemagne “se présente clairement comme un pays ouvert aux investisseurs étrangers”. “La définition large de nombreux pans de l’économie en tant qu’infrastructures stratégiques est problématique”, a estimé dans un communiqué Stefan Mair, un des responsables du BDI, ajoutant que cela rendait la première économie européenne “moins attractive” aux yeux des investisseurs.

Avis divergents dans l’UE

En 2016, l’Allemagne et l’UE n’avaient pu que constater, impuissantes, le transfert de technologies “made in Germany” au moment de la reprise du fabricant allemand de machines-outils Kuka par le géant chinois de l’électroménager Midea, pour 4,6 milliards d’euros.

Après plusieurs rebondissements, l’industriel Aixtron avait, quant à lui, échappé aux griffes du fonds d’investissement chinois Grand Chip en raison d’un veto des Etats-Unis, qui craignaient une utilisation à des fins militaires des produits de la firme allemande.

L’Allemagne n’est pas la cible privilégiée des seuls investisseurs chinois. Le constructeur de véhicules électriques américain Tesla s’est emparé l’an passé du spécialiste de la robotisation Grohmann, auparavant fournisseur des fleurons de l’industrie automobile du pays comme Daimler et BMW.

Angela Merkel a très tôt soutenu la proposition du président français, Emmanuel Macron, visant à laisser plus de pouvoir à Bruxelles pour contrôler les acquisitions étrangères dans l’Union européenne afin de protéger les secteurs stratégiques.

Berlin participe désormais à une initiative avec la France et l’Italie en vue de renforcer les règles au niveau de l’Union européenne.

Mais l’idée se heurte à des résistances au sein de l’UE, notamment de la part du Portugal, de la Grèce et de l’Espagne, qui craignent qu’une telle mesure n’entrave les investissements étrangers chez eux.

Car si les Chinois s’intéressent avant tout aux sociétés high-tech en Europe occidentale, leurs investissements dans l’industrie et les services dans le sud et l’est du continent sont plus que bienvenus pour ces économies.

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