Philippe Ledent

L’Allemagne donnera une fois de plus le ton

Philippe Ledent Senior economist chez ING Belgique, chargé de cours à l'UCLouvain.

Il ne faut pas fantasmer sur un abandon de la règle d’or sur l’endettement en Allemagne, ni même sur un total revirement en matière de règles budgétaires européennes.

L’année 2021 devrait être celle de la vaccination, des plans de relance et de la reprise économique. Mais elle sera aussi l’année des élections fédérales en Allemagne (en septembre), dont on en regardera les résultats avec beaucoup d’attention. N’oublions pas que l’Allemagne reste de loin la plus importante économie de la zone euro, mais surtout la plus impliquée dans le commerce mondial et parmi les plus saines sur le plan des finances publiques.

Après la crise financière et au début de la crise de la dette de la zone euro, l’Allemagne avait imposé sa vision des droits et devoirs qui incombent à chaque membre d’une union monétaire. Ce n’était pas qu’une question de qualité politique de Mme Merkel. Le leadership politique n’était que la directe conséquence du leadership économique. Après la crise du Covid, il est fort probable qu’il en sera de même. L’Allemagne a toujours les finances publiques les plus saines (même si, comme partout, elles se sont dégradées durant la crise) et le choc économique de la crise du Covid a été moindre que dans les autres grandes économies de la zone euro. Certes, la mauvaise performance de l’économie allemande au premier trimestre de cette année (le PIB s’est contracté de 1,3% par rapport au trimestre précédent) équilibre un peu les positions, mais avec le boom actuel du secteur de l’industrie, il est fort probable que la vitesse de reprise économique soit plus rapide en Allemagne qu’ailleurs.

Il ne faut pas fantasmer sur un abandon de la règle d’or sur l’endettement en Allemagne, ni même sur un total revirement en matière de règles budgétaires européennes.

Or, on sait que de très importantes négociations devront avoir lieu entre les Etats membres (de l’UE et/ou de la zone euro) à l’horizon 2022. Il s’agira d’abord de gérer les règles budgétaires européennes (suspendues en 2020 et 2021) qui devront évoluer au regard de la situation des finances publiques post-pandémie. Peut-être faudra-t-il également négocier une augmentation du plan de relance européen, qui commence à faire pâle figure face aux ambitions de Joe Biden. Enfin, spécifiquement en zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) devra prendre position par rapport à ses achats d’actifs, très importants durant la crise, et qu’il s’agira d’éventuellement prolonger. Certes, la BCE est une institution indépendante, mais la politique monétaire n’en est pas pour autant indifférente au positionnement politique des Etats membres.

Dès lors, la coalition qui sera formée à l’issue des élections allemandes sera déterminante pour la zone euro. Selon les derniers sondages, les électeurs semblent mal digérer la guerre des chefs dans la coalition CDU/CSU. Il faudrait y ajouter, comme dans la plupart des pays, que les partis au pouvoir payent l’incompréhension de certaines mesures prises pour lutter contre la pandémie. A l’opposé, les Verts allemands gagnent en popularité, alors que leur leader, Annalena Baerbock, est plébiscitée. Une coalition entre la CDU/CSU et les Verts n’est donc pas exclue, même si beaucoup de choses peuvent encore se passer d’ici septembre. Une telle coalition signifierait davantage d’investissements publics et de dépenses de relance, ce qui serait plutôt bon pour les autres membres de la zone euro.

Mais attention, il ne faut pas fantasmer sur un abandon de la règle d’or sur l’endettement en Allemagne, ni même sur un total revirement en matière de règles budgétaires européennes. Au mieux pourrait-on espérer la création, en Allemagne comme dans les autres pays, d’un s pecial purpose vehicle (ou fonds commun de créances) chargé de mener à bien les investissements publics et qui sortirait du champ des finances de l’Etat (ce qui est capital pour le calcul du déficit de ce dernier). Ce ne sont que de pures spéculations à ce stade mais, croyez-moi, on en reparlera!

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