L’Allemagne appelée à faire preuve de plus de solidarité financière dans l’UE

Paolo Gentiloni © Belgaimage

Accusée de faire cavalier seul, avec son plan de soutien à 200 milliards d’euros, pour protéger ses ménages et entreprises, l’Allemagne était sous la pression de plusieurs partenaires de l’UE mardi pour accepter plus de solidarité financière.

Les commissaires européens à l’Economie et au Marché intérieur, Paolo Gentiloni et Thierry Breton, ont appelé à recourir à des instruments financiers “mutualisés au niveau européen” pour répondre à la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine.

Cette tribune commune publiée dans plusieurs journaux européens a lancé un débat parmi les ministres des Finances de l’UE réunis à Luxembourg, certains pays dont l’Allemagne, mais aussi l’Autriche ou la Suède ne voulant pas entendre parler de nouvelle dette commune. “C’est l’opinion isolée de deux commissaires. J’ai l’impression que ce n’est pas l’opinion générale de la Commission européenne”, a lancé le ministre autrichien Magnus Brunner. Cette proposition “nécessite des discussions car il y a différentes opinions autour de la table”, a reconnu le vice-président de l’exécutif européen, Valdis Dombrovskis.

L’annonce par l’Allemagne la semaine dernière d’un plan national de 200 milliards d’euros pour protéger son économie contre la hausse des prix de l’énergie a choqué ses partenaires. Berlin est accusé de duplicité : plaider l’austérité à Bruxelles tout en dépensant sans compter pour son propre compte. Le montant et le caractère non coordonné de l’initiative font craindre que l’Allemagne octroie à ses entreprises un avantage par rapport à leurs concurrentes de pays n’ayant pas les moyens de financer un “bouclier” aussi massif contre la flambée des prix de l’énergie.

“Cannibalisme dans l’UE”

L’Allemagne peut aider ses propres entreprises avec des centaines de milliards d’euros (…) mais les pays plus pauvres ne peuvent pas le faire (…) C’est le début du cannibalisme dans l’UE. Bruxelles doit agir à ce sujet car cela va détruire l’unité européenne”, a lancé le chef du gouvernement hongrois à Budapest.

A Rome, comme à Paris, on insiste sur la nécessité d’agir de façon solidaire, comme ce fut le cas durant la crise du Covid, tout en s’efforçant de ne pas épingler ostensiblement un pays partenaire. “Nous ne pouvons plus dans les semaines et mois qui viennent avancer sans une stratégie commune”, a plaidé lundi le ministre français Bruno Le Maire. Le chef du gouvernement italien, Mario Draghi, avait réagi avec virulence la semaine dernière, en dénonçant de possibles “distorsions dangereuses et injustifiées du marché intérieur”.

Le ministre allemand des Finances Christian Lindner était sur la défensive à Luxembourg, assurant que le plan allemand était proportionné à la taille du pays et donc comparable aux mesures de soutien prises en France. “Beaucoup n’avaient pas compris que les mesures s’étalaient sur deux ans”, a-t-il expliqué.

Mrs Gentiloni et Breton ont proposé de “s’inspirer du mécanisme +SURE+”, un instrument européen doté de 100 milliards d’euros qui a permis pendant la récession liée à la pandémie de soutenir les mesures de chômage partiel dans les Etats membres dans le besoin. Il consistait en des prêts à des conditions favorables octroyés par la Commission européenne qui est en mesure d’emprunter à bon compte sur les marchés financiers.

Des propositions basées sur le programme +SURE+ ne peuvent pas être justifiées par les décisions prises par l’Allemagne” a estimé Christian Lindner, tout en assurant que l’Allemagne était “ouverte à la discussion sur d’autres instruments”. “Une chose est claire: les dettes communes ne nous aideront pas à renforcer durablement notre compétitivité (…), le financement par un emprunt commun ne sera pas une solution”, a-t-il martelé, plaidant plutôt pour des réformes des marchés de l’énergie.

Les ministres des Finances de l’UE ont discuté mardi de la mobilisation de 200 milliards d’euros de prêts non utilisés dans le cadre du plan de relance européen post-Covid d’un montant de 750 milliards d’euros, et ont trouvé un accord sur la répartition de 20 milliards d’euros de subventions proposées au printemps par la Commission dans sa stratégie pour réduire la dépendance aux hydrocarbures russes.

Mais M. Gentiloni a insisté sur la nécessité d’aller plus loin. “Si nous voulons faire face à cette crise, je pense que nous avons besoin d’un niveau de solidarité plus élevé et que nous devons mettre en place des outils communs supplémentaires“, a-t-il affirmé.

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