Kwasi Kwarteng, le nouveau ministre britannique des finances: audacieux, intelligent mais étrange

Kwasi Kwarteng © Belgaimages

Kwasi Kwarteng est un homme à qui l’on prédisait une ascension rapide, mais qui a finalement passé ses dix premières années en politique sur le banc de touche. Et s’il est très intelligent, même ses amis admettent qu’il peut être parfois un peu têtu et bizarre aussi.

Un discours inaugural à la Chambre des communes, c’est l’occasion de déclamer quelques platitudes sur ses prédécesseurs et des futilités sur la circonscription locale. À l’été 2010, Kwasi Kwarteng, un jeune député conservateur, a utilisé son temps de paroles pour …attaquer. Il a accusé les députés travaillistes d’être responsables du mauvais état des finances publiques britanniques, finances qui ont été malmenées par la crise financière de 2007-2009. “Pas une seule fois, ils n’ont accepté la responsabilité de ce qui s’est passé et ils semblent penser que nous pouvons continuer comme avant”, a déclaré Kwarteng, qui avait 35 ans à l’époque.

Douze ans plus tard, en tant que ministre, il supervise aujourd’hui les finances britanniques, qui ont à nouveau été marquées par des crises. Et la première tâche de l’ancien faucon budgétaire est de dépenser au moins 100 milliards de livres (115 milliards d’euros) pour aider les ménages et les entreprises, qui sont confrontés à des factures énergétiques faramineuses.

De telles idiosyncrasies abondent lorsqu’il s’agit de Kwasi Kwarteng. Le nouveau ministre des finances est un conservateur, qui a une préférence pour un petit État, et qui aime intervenir dans les affaires. Il s’agit d’une personnalité peu orthodoxe dont les origines sont aussi conservatrices que possible.

Barbares de la culture

Kwasi Kwarteng se distingue également à bien d’autres égards. Physiquement d’abord parce qu’il mesure 1,96 mètre et est incapable de parler autrement qu’en rugissant. Dans un parlement composé de “barbares de la culture”, Kwarteng est bien informé et polyvalent. Au lieu de traîner dans les salons de thé de Westminster, il s’éclipsait aux Archives nationales pour faire des recherches dans des ouvrages de vulgarisation sur des sujets aussi variés que le trafic, Margaret Thatcher ou encore l’impérialisme.

“Ghosts of Empire”, son histoire de l’empire britannique, prétend ne pas s’engager dans la bataille morale pour savoir si l’empire était bon ou mauvais. Mais il n’hésite pas à y dénoncer les actes sadiques et souvent surréalistes, qu’ont commis ceux qui ont construit l’empire. Certains députés conservateurs sont mal à l’aise avec de telles histoires

Le parcours de Kwasi Kwarteng a été sinueux. Il lui a fallu sept ans pour passer de député d’arrière-ban à chef de cabinet parlementaire, l’échelon le plus bas de l’échelle ministérielle, en 2017. Même à l’époque, il n’a pas vraiment pris son travail au sérieux. Kwarteng a passé ses premières années en tant que député à réclamer des coupes budgétaires plus rapides et à dénigrer le plan du gouvernement pour les primo acquéreurs. Si on tente une comparaison de cheminement politique, en sept ans, Rishi Sunak a été élu, est devenu vice-ministre, est devenu ministre, a fait tomber un premier ministre et l’a presque remplacé. Aujourd’hui, à l’âge de 42 ans, il envisage de prendre sa retraite politique.

Pourtant ils sont peu nombreux à douter de l’intelligence de Kwarteng, mais ses amis et ses collègues en dressent un portrait particulier. Il semble jouir d’une forme exhaustive d’intelligence, oscillant entre génie et idiotie. “Il a généralement une capacité d’attention de quatre secondes”, déclare un ancien ministre. “Il a une intelligence hors du commun”, dit un autre. “Vous pouvez sortir d’une conversation en pensant qu’il n’a rien compris alors qu’à d’autres moments, il est incroyablement astucieux.”

Kwasi Kwarteng
Kwasi Kwarteng© Belgaimages

Cynisme

Lorsque Kwasi Kwarteng est finalement devenu secrétaire d’État au ministère du commerce en 2021, ses collègues ont été surpris par son enthousiasme à intervenir dans l’économie. Certains y ont même vu du cynisme. Le Premier ministre Boris Johnson était un conservateur de grande envergure, qui avait besoin d’un secrétaire d’État ayant les mêmes idées. Pourtant, Kwarteng est moins partisan du libre-échange que sa réputation ne le laisse entendre, allant jusqu’à affirmer que le libre-échange est un mythe qui n’existe que “dans la mesure où il existe un cercle ou une ligne parfaite”.

Alors que les autres députés conservateurs aiment citer David Ricardo et Adam Smith, Kwarteng aime bousculer ces idées. Il fait l’éloge du Japon, qui a évincé les constructeurs automobiles américains du marché, et affirme que le protectionnisme est là pour rester. Si le gouvernement britannique ne soutient pas les industries innovantes – qu’il s’agisse de giga industries ou de recherches sur la fusion nucléaire – le pays est en difficulté. “C’est la réalité économique, contrairement à ce que vous apprenez dans les manuels scolaires”, a-t-il écrit en 2009 dans un article pour ConservativeHome, un site web destiné aux fanatiques du parti conservateur. Le pragmatisme impitoyable est sa stratégie favorite.

Grand dépensier

Et ainsi, le faucon de la fiscalité est devenu un grand dépensier. Juste avant d’être nommé ministre, Kwasi Kwarteng a écrit un article dans le Financial Times, rappelant aux marchés que le gouvernement finirait par se concentrer sur la réduction de la dette du pays. Mais pas tout de suite. Malgré les affirmations du jeune Kwarteng, le Royaume-Uni n’est pas dans une situation catastrophique parce que les travaillistes ont laissé le taux d’endettement atteindre les 40 % pendant les périodes fastes. Le bilan de l’État est fait pour les crises, reconnaît aujourd’hui Kwarteng. Il dépensera, non pas parce qu’il le veut, mais parce qu’il le doit. Les enjeux sont clairs.

Et s’il se trompe, le ministre pourrait bien, après les prochaines élections, être la cible du discours inaugural d’un jeune député travailliste ambitieux.

(Trends, The Economist)

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