Aux yeux de Claude Rolin, secrétaire général du syndicat CSC, la crise politique actuelle découle du fait que “de moins en moins de politiciens ‘rayonnent’ sur l’ensemble du pays. Probablement parce que leur “marché” ne dépend pas des électeurs de l’autre communauté…”
Trop à l’étroit dans ses murs de la rue de la Loi, confronté à des frais énormes de mises aux normes techniques, le syndicat chrétien – et certaines structures de la mouvance, dont les mutualités – avait finalement racheté un immense complexe de la chaussée de Haecht à Bruxelles. C’est là, au dernier étage de ce qui devait être à l’origine un hôpital, que nous reçoit Claude Rolin, secrétaire général de la CSC.Interview croisée avec nos confrères de Canal Z, dont vous pouvez visionner la vidéo ici.
Difficile dans le climat actuel d’occulter le contexte politique. Comment comptez-vous vous positionner dans ce dossier ?
Nous sommes intervenus rapidement au sein du Groupe des Dix en lançant un appel à la raison et à la responsabilité. Pas sur le fond – ce n’est pas notre métier – mais sur le fait qu’il existe des priorités. Si les questions institutionnelles sont importantes, la priorité des priorités est à nos yeux le socio-économique. Jouer la peau du gouvernement sur l’institutionnel quand on est en pleine crise économique, financière et sociale, et à deux mois de la présidence belge, nous estimons que c’est clairement irresponsable.
Cette vision est-elle partagée à 100 % par l’aile flamande du syndicat, l’ACV ?
Nous fonctionnons sur une assise nationale. Lorsque je m’exprime, je le fais au nom de l’ACV-CSC. Idem pour notre président Luc Cortebeek. Il n’y a pas une once de différence sur les enjeux fédéraux entre les ailes flamande et francophone du syndicat !
A quoi attribuez-vous les difficultés rencontrées par le monde politique ?
De moins en moins de politiciens “rayonnent” sur l’ensemble du pays. Probablement parce que leur “marché” ne dépend pas des électeurs de l’autre communauté. Ils sont donc de moins en moins réceptifs à ce qui se passe de l’autre côté de la frontière linguistique. Il en irait certainement autrement si leur élection dépendait d’une validation à l’échelon national.
Vous pointez aussi une certaine évolution du capitalisme…
Nous avons longtemps vécu dans le modèle “Fordiste” dans lequel le compromis social était basé sur le fait que la hausse de la production amenait une hausse des richesses et le partage de celles-ci, sans idée de fin. Le modèle accordait aussi une grande place à la figure de l’entrepreneur. Aujourd’hui, dans les grandes entreprises, cette logique entrepreneuriale a disparu. Je le vois quand nous négocions. On ne discute plus avec les vrais patrons mais avec des salariés de groupes financiers. Ceux-ci ont peu d’autonomie vis-à-vis des exigences des hedge funds qui investissent dans une logique de rentabilité extrême dans un laps de temps le plus court possible. Au final, on voit les dégâts que tout cela peut occasionner…
Propos recueillis par Jean-Marc Damry
(Retrouvez l’intégralité de cette interview dans le n° 17 du magazine Trends-Tendances, daté du 29 avril 2010.)