Job étudiant: “Nous voulons sortir les jeunes du cercle de la précarité”

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C’était l’un des gros sujets de ce lundi. Le président de la CSC/ACV souhaite que des cotisations sociales soient prélevées sur les jobs étudiants, les chèques-repas et flexijobs. On démêle le vrai du faux avec Jeanne Maillart, responsable francophone des Jeunes CSC et son alter-ego néerlandophone

Pour quelles raisons l’organisation syndicale fait cette proposition ? Quel impact auraient ces nouveaux prélèvements sur le portefeuille des personnes concernées et leurs employeurs ? La CSC ne va-t-elle pas plus précariser la jeunesse et son droit au travail ? On démêle le vrai du faux avec Jeanne Maillart, responsable francophone des Jeunes CSC et son alter-ego néerlandophone.

Jeanne Maillartest, depuis fin mai, la responsable francophone des Jeunes CSC tandis que Joke Vrijs est responsable nationale des Jong ACV. Elles ont accepté de revenir pour nous sur la proposition du président de la CSC/ACV Marc Leemansqui a déclaré ce lundi dans une interview au Laatste Nieuws qu’il souhaitait que des cotisations sociales soient prélevées sur les jobs étudiants, les chèques-repas et les flexijobs.

Pour quelles raisons l’ACV/ CSC souhaite-t-elle renforcer les cotisations sociales payées par les étudiants et les flexijobs ?

Jeanne Maillart et Joke Vrijs : “Ces propositions s’inscrivent dans le cadre d’un débat interne en vue de la Conférence sur l’Emploi qui commence ce mardi 7 septembre. Il y a eu un dialogue afin de définir les positions et les propositions que l’ACV/ CSC défendrait à cette occasion et les cotisations sociales sur les jobs étudiants sont l’une d’entre-elles. Nous sommes parties d’un constat sur le terrain que nous avons avec nos jeunes affiliés. La période de pandémie a été particulièrement difficile pour nombre d’entre eux qui n’ont plus pu exercer de travail étudiant et ont été privés de sources de revenus. Il faut savoir que selon une étude de la Fédération des Etudiants Francophone (FEF), 1 étudiant sur 4 doit travailler pour payer ses études, son kot et ses besoins du quotidien, indépendamment des aides qu’il reçoit avec les bourses. Nous souhaitons les sortir du cercle de la précarité et pour cela, il est important que les jeunes soient mieux protégés en bénéficiant de revenus stables, notamment d’une meilleure sécurité sociale, d’un chômage en cas de perte du job, d’un pécule de vacances et qu’ils puissent déjà cotiser pour leur pension comme un travailleur classique. L’âge moyen du premier CDI sur le marché du travail en Belgique est de 27 ans. Cependant, de nombreux jeunes y rentrent beaucoup plus tôt via le travail étudiant sans que cela soit pris en compte dans le calcul de leur carrière. Ce que nous souhaitons, c’est que le travail des étudiants ou les flexijobs soient pris en compte dans le calcul d’une carrière. Mais ce ne seront pas que les seuls statuts concernés. Nous avons aussi d’autres propositions qui seront adaptés aux besoin de statuts comme les stagiaires ou les intérimaires par exemple.”

Quel impact cette mesure aurait concrètement sur les personnes concernées et leurs employeurs?

JM et JV : “Actuellement, le salaire net d’un étudiant est quasiment équivalent au brut. Nous voulons juste augmenter ce dernier en demandant de payer plus de cotisations. Mais au final, le net sera lui aussi meilleur puisqu’ils bénéficieront d’une meilleure protection sociale, qu’ils auront cotisé pour la pension et qu’ils bénéficieront d’une protection sociale en cas de perte de job. Ce sont surtout les cotisations patronales qui seront réclamées qui augmenteront qui augmenteront le salaire brut comme c’est le cas pour un employé sous un contrat classique (CDD, CDI…). Nous souhaitons aussi que nos propositions soient bien expliquées et comprises par les étudiants jobistes. C’est pourquoi nous irons à leur rencontre à l’occasion des rentrées académiques dans le courant du mois afin de discuter avec les jeunes de ces thématiques et d’écouter aussi leurs besoins.”

Que répondez-vous aux critiques de ceux qui estiment que cette proposition pourrait entraîner un effet pervers avec plus de précarité car cela représente une taxe supplémentaire à payer ou être à frein aux jeunes travailleurs souhaitant bénéficier de plus de flexibilité ?

JM et JV : “On insiste bien sur ce point, on parle de cotisations sociales, pas de taxes. On ne touche pas non plus au salaire net que percevra l’étudiant ou le jobiste. On veut juste qu’une logique soit respectée. Dans le secteur du commerce ou de l’horeca par exemple, la grande majorité des étudiants jobistes effectue des tâches quasiment identiques à celles des employés classiques à la différence de l’expérience et de la vitesse à laquelle ils vont effectuer leur travail. Mais si un étudiant travaille plusieurs étés d’affilé au sein du même restaurant ou du même commerce, il peut accomplir les tâches tout aussi bien en étant pas rétribué aussi bien qu’un employé classique et en bénéficiant pas des mêmes avantages légaux. Cette situation ne profite qu’au patron qui peut, grâce au mauvais statut des jobistes, effectuer une pression vers le bas sur les conditions de travail et les salaires des autres travailleurs. Nous avons aussi pris en compte la situation de jeunes ou d’étudiants ayant pu signer des contrats classiques pour leurs premiers jobs. Non seulement, cela leur offrait des garanties sur le plan de la sécurité sociale, mais cela permettait de réduire aussi la durée du stage d’insertion et donc l’entrée du jeune sur le marché du travail.Nous ne sommes pas d’accord avec ceux qui disent que les jeunes recherchent nécessairement de la flexibilité. Cependant, flexibilité et salaire sont deux débats différents. Nous déplorons la flexibilité imposée aux étudiants dont le premier boulot, est d’étudier mais notre volonté ici est bien d’affirmer la nécessité d’augmenter les salaires des jobistes. Ces contrats n’existent pas juste pour qu’un patron dépense moins mais pour renforcer des effectifs à certaines périodes où l’entreprise a besoin de plus de personnel ou pour suppléer des travailleurs lors des périodes de vacances. Si c’est juste une question de coût, alors ce n’est pas notre modèle de société. Vous dites que les jeunes recherchent plus de flexibilité. C’est possible qu’ils souhaitent pouvoir changer facilement d’environnements ou de secteurs d’activité mais nous sommes sûr que dans une grande majorité de cas, au vu des retours que nous avons avec ceux que nous rencontrons sur le terrain, qu’ils souhaitent avant tout bénéficier de revenus suffisants. Lorsque vous êtes jeune, vous aspirez à acheter une maison ou un appartement ou de franchir un cap dans votre vie familiale et cela n’est pas possible si vous vivez dans la précarité. Mais dans l’ensemble, nous sommes convaincus que si les jeunes ont en effet envie de bouger, ce n’est pas en étant mal payés.”

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