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Jerome Powell, le nouveau visage de la Fed

Madame Yellen ayant, contrainte et forcée, laissé sa place, la banque centrale américaine (Fed) s’est trouvée un nouveau leader fraîchement entré en fonction la semaine dernière. Jerome Powell, puisque c’est de lui qu’il s’agit, plus juriste qu’économiste mais déjà membre du comité de politique monétaire de la Fed, a donc pris les rênes de la plus importante et plus puissante institution monétaire de la planète.

Bien qu’en fonction depuis le début du mois de février, ” Jay ” Powell recevait son baptême du feu la semaine dernière lors de son allocution à la commission des services financiers de la Chambre des représentants.

Ce discours était très attendu, d’abord pour savoir s’il allait s’inscrire dans la droite ligne de celui de Janet Yellen. Cela aurait été, certes, rassurant pour les marchés financiers mais, d’un autre côté, si les Républicains – et Donald Trump en particulier – n’ont pas renommé celle-ci, ce n’est certainement pas pour que son successeur soit la copie conforme de l’ancienne présidente, souvent qualifiée de trop accommodante auprès des élus les plus conservateurs. Dès lors, si l’on pouvait s’attendre à ce qu’il n’y ait pas de révolution, le ton et le style ont été scrutés de près.

Que faut-il finalement retenir de cette première allocution ? D’une part, que la Fed considère les mesures prises par l’administration Trump (réforme fiscale, augmentation des dépenses, etc.) comme suffisamment stimulantes que pour se permettre d’aller à contre-courant de celles-ci. On voit en effet l’économie américaine prendre encore de la vitesse pour le moment, à grands coups de dopants budgétaires, au risque de friser la surchauffe. La banque centrale américaine y voit donc la nécessité – mais, oserait-on dire aussi, l’opportunité… – de poursuivre la normalisation de sa politique monétaire. Elle devrait donc remonter encore ses taux directeurs à trois, voire quatre, reprises cette année.

Le simple fait que Jay Powell accorde de la sympathie aux règles de politique monétaire signifie probablement plus d’agressivité dans la remontée des taux.

D’autre part, et c’est là un commentaire très technique en apparence mais qui a son importance, Jay Powell a déclaré accorder un certain intérêt aux règles de politique monétaire. Dans un cas extrême, en suivant strictement une telle règle, les décisions de la banque centrale sont liées ” mécaniquement ” aux conditions macro- économiques et financières (croissance, inflation, taux de change éventuellement). Le jugement du banquier central et le biais qu’il peut introduire dans les décisions de politique monétaire jouent alors un rôle moins important. On se rappellera d’ailleurs que le ” père ” de la règle la plus connue de politique monétaire, John Taylor, était également cité comme candidat possible à la tête de la Fed. Pour les marchés financiers, le simple fait que Jay Powell accorde de la sympathie à de telles règles (ce qui est aussi le souhait de pas mal d’élus républicains) signifie probablement plus d’agressivité dans la remontée des taux. En effet, l’application d’une telle règle dans les conditions actuelles de l’économie américaine pousserait la Fed dans ce sens.

Il semble au final que les marchés financiers aient retenu deux choses de ce discours : (1) les taux courts vont encore grimper aux Etats-Unis, ce qui (2) pourrait à plus long terme ralentir davantage que prévu l’économie américaine. Cette dernière conclusion s’est marquée par un tassement un peu paradoxal des taux longs dans les jours qui ont suivi le discours de Jay Powell. Dès lors, quand on compare les taux courts et les taux longs aux Etats-Unis, l’avantage reste aux taux longs, mais ne cesse de se réduire. Il n’est plus que d’une bonne centaine de points de base (soit 1%). Or, l’histoire a toujours montré que si cet écart devient négatif, et que les taux courts deviennent plus élevés que les taux longs, une récession de l’économie américaine intervient dans l’année qui suit. Dans la mesure où les indicateurs de l’activité économique ne cessent de s’améliorer pour le moment, un tel scénario n’est pas pour tout de suite, mais il ne faudrait pas en négliger les signaux donnés par les marchés financiers. Au contraire, cela vaut la peine de surveiller, dans les prochains mois, comment les marchés financiers interprèteront les mots et les décisions de la Fed, car ils donneront au moins autant d’informations sur l’évolution future de l’économie que les indicateurs classiques de l’activité.

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