Jean-Yves Huwart: “La Wallonie manque de vision d’ensemble à long terme”
Que ce soit face à Durobor, NLMK ou d’autres, la Région réagit sans stratégie cohérente, regrette Jean-Yves Huwart, journaliste et auteur de “Pourquoi la Wallonie ne se redresse pas”.
La gobeleterie Durobor, dont la Sogepa était actionnaire, a déposé son bilan. Il y a quelques semaines, c’était Virginal Papers, aussi soutenue par la Sogepa. Pensez-vous que la Wallonie engloutit trop d’argent public dans les tentatives de sauvetage d’entreprises vacillantes ?
On dirait que Durobor a sept vies. Depuis des années, on annonce sa disparition et elle est toujours là. Et on peut même penser qu’avec les enjeux climatiques, le verre pourrait retrouver de nouveaux marchés. Qu’on essaie de sauver des entreprises, c’est très bien sur papier. Mais dans la pratique… Quand on met les bonnes personnes aux bons endroits, on a des résultats. Des boîtes comme Techspace, Sonaca ou la FN sont devenues des piliers de l’économie wallonne. Mais ailleurs, ce n’est pas toujours aussi bien. Regardez Thunder Power ou NLMK. Ce qui m’étonne vraiment, c’est le fonctionnement de la Sogepa. C’est un repère de recasage de chefs de cabinet ( l’organisme est dirigé par les anciens chefs de cabinet de Rudy Demotte, André Antoine et Jean-Claude Marcourt, Ndlr) ! Il y a un besoin urgent de professionnalisation à tous les étages.
L’intervention publique a permis de très bien relancer NLMK- La Louvière. N’a-t-on pas raison de s’obstiner parfois ?
On va quand même injecter 150 millions d’euros, c’est énormément d’argent. Nous sommes chaque fois dans la réaction, au cas par cas. Il n’y a pas de vision d’ensemble à long terme, on ne raisonne pas en termes de filières économiques. Peut-être qu’il y a moyen de sauver Durobor en construisant un projet novateur, autour de l’industrie du verre d’emballage avec des spécificités techniques. Mais certainement pas en appréhendant l’usine de façon isolée. Pourquoi avons-nous de belles entreprises en aéronautique ? Parce qu’il y a eu les F-16 et qu’à l’époque, les dirigeants avaient aligné une vraie stratégie en fonction de cela. Thunder Power à Gosselies, c’est tout sauf une stratégie à long terme. C’est un très gros risque pour pouvoir dire ” on a sauvé Charleroi “. Si ça capote – et je le pense -, ce sera dramatique pour l’image de Charleroi et de la Wallonie.
Avec les plans Marshall successifs et les pôles de compétitivité, la Wallonie n’a-t-elle pas tenté et assumé cette vision à long terme ?
Les idées de départ sont généralement bonnes. Mais ça coince au niveau de la mise en oeuvre, à force de laisser tourner la machine pendant 14 ans, sans véritable contre-pouvoir. On retrouve les mêmes entreprises, les mêmes centres de recherche. Je sais, il y a les biotechs. Tant mieux. Mais c’est l’exception. Ça me désole car toutes les briques sont là mais on ne parvient pas à les assembler de manière efficace, à définir une stratégie et à s’y tenir à long terme. C’est la même chose avec le Pacte d’excellence. On part d’un super travail, avec l’apport de McKinsey notamment. Et puis, dans la mise en oeuvre, dans la concertation avec les acteurs institutionnels, tous les tabous reviennent. Si nous avions un système éducatif performant, nous aurions plus de techniciens qualifiés et nous aurions sans doute beaucoup de Durobor qui tourneraient à plein.
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