Jean-Luc Crucke, ministre wallon du Budget (MR): “Le budget base zéro est indispensable pour notre crédibilité”

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Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

L’agence Moody’s a confirmé la note A2 de la Wallonie. Cela aidera la Région à lever des fonds sur les marchés internationaux, notamment en Asie. Trois questions à Jean-Luc Crucke, ministre wallon du Budget.

L’agence de notation Moody’s a maintenu la note A2 de la Wallonie. Est-ce un soulagement pour vous ?

C’est non seulement un soulagement mais aussi une motivation supplémentaire pour maintenir le cap. Moody’s s’est basée sur plusieurs éléments, dont le budget base zéro, une dynamique assez rare dans la gestion publique. La crise sanitaire nous a fait perdre trois mois dans la mise en place mais ces trois mois ont bien fait comprendre à chacun que ce budget base zéro était indispensable. Nous vivons, certes, une période particulière, qui nécessite des dépenses publiques plus importantes que d’habitude, mais il faut toujours veiller à ce que cela finance de l’investissement et non des dépenses récurrentes. Malgré la facilité actuelle à aller sur les marchés ( la Wallonie a levé 2 milliards au printemps, Ndlr), l’argent ne tombe pas du ciel. Un jour, les équilibres classiques retrouveront leur place.

Maintenir le cap, qu’est-ce que cela veut dire avec une dette consolidée de plus de 20 milliards d’euros ?

Les charges de dette restent tenables dans le contexte actuel. Mais cette dette doit absolument être maîtrisée dans le temps. Lors de notre récent ajustement budgétaire, la direction retenue a en quelque sorte réuni trois budgets en un : les dépen-ses courantes pour lesquelles nous devons viser l’équilibre en 2020 ; le coût du Covid, avoisinant les 2 milliards d’euros et pour lequel nous pouvons légitimement attendre une intervention européenne par subvention ou par prêt ; et enfin la relance pour laquelle nous débloquons 500 millions d’euros. Nous anticipons le plan Get Up Wallonia pour injecter de l’argent dans les actifs privés wallons et faire ainsi tourner une machine économique pour l’instant en déficit d’investissements privés.

Que vous apporte concrètement cette notation de Moody’s pour ce triple budget ?

Avec cette notation, la Wallonie est directement éligible aux programmes de rachats d’actifs de la BCE, sans passer par un intermédiaire. Cela doit nous permettre d’obtenir de meilleurs taux, même s’ils restent plus élevés que ceux de l’Etat fédéral. Par ailleurs, grâce au travail de la cellule régionale de la dette, nous avons pu diversifier significativement nos investisseurs, notamment vers l’Asie. Cette diversité est intéressante et rare dans les entités publiques. Notre modèle est regardé de près à l’étranger, m’a confié il y a quelques semaines le chef économiste de Natixis, Patrick Artus. Ces investisseurs qui achètent nos obligations durables ou sociales sont très regardants. La décision de Moody’s est essentielle à leur égard. Nous espérons lever encore un milliard d’euros cette année afin d’anticiper les financements de 2021, qui ne sera pas une année facile sur le plan budgétaire avec le recul attendu des recettes d’IPP. Les chaussures dans lesquelles nous sommes aujourd’hui doivent nous permettre d’avancer sereinement. Mais, en finances, il faut toujours rester très prudent. C’est pourquoi je tiens à ce que nous allions au bout du raisonnement sur le budget base zéro. C’est indispensable pour notre crédibilité et je pense que tout le gouvernement l’a bien compris. Le financement public, ce n’est pas des ” beaux coups ” sur les marchés, ça se mérite dans la gestion quotidienne.

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