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Invasion de Taïwan : la Chine se prépare déjà à des sanctions

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Comment dit-on “chat échaudé craint l’eau froide” en chinois ? Je pose la question car elle doit trotter dans la tête des dirigeants chinois en ce moment. Il faut bien l’avouer, ils ont été surpris non pas par l’invasion de l’Ukraine, mais par la riposte des Européens.

Je me demande dans quelle mesure les Européens n’ont pas été eux-mêmes étonné de leur propre réaction. Dans l’esprit des dirigeants du parti communiste chinois, les Européens allaient réagir comme lorsque la Russie a annexé la Crimée : beaucoup de protestations diplomatiques, mais au final aucune réaction concrète sur le terrain.

Or, justement la réaction forte des Européens et des Américains force les Chinois à revoir leur jugement sur Taïwan. Non pas qu’ils ne vont pas un jour ou l’autre vouloir annexer Taïwan, ce n’est même pas une question qui se pose. Pour n’importe quel Chinois, Taïwan fait partie de la nation et son indépendance n’est qu’une hérésie aux yeux de l’Histoire.

Comme le faisait remarquer un commentateur financier, la question n’est pas de savoir si l’annexion de Taïwan aura lieu, mais “quand” ? Pour ne pas vous plomber le moral, je vous rassure déjà : les Européens et les Américains ne se battront pas pour cette île. Comment voulez-vous qu’ils le fassent ? A l’inverse de la Russie et de l’Ukraine, la Chine est l’atelier du monde. Ce n’est pas seulement une histoire de blé, de gaz ou de pétrole, pratiquement tout ou presque ce que vous avez dans votre maison ou dans votre entreprise est fabriqué en Chine.

En revanche, en cas d’invasion de Taïwan, l’Occident comme on l’appelle voudra aussi prendre des sanctions. Or, justement la Chine a ausculté de près le conflit ukrainien et se prépare déjà à ces sanctions. Comment peut-on le savoir ?

Selon Marc Fiorentino, auteur de la lettre d’information “Meilleur Taux Placement”, il y a au moins deux éléments : le premier, c’est que la Chine a interdit à tous les membres des familles d’officiels Chinois de posséder des avoirs ou des actifs en-dehors de la Chine. L’idée est d’éviter que ces actifs – que ce soit des maisons ou des sociétés – ne soient confisqués comme cela a été le cas avec les oligarques russes.

Bref, c’est un levier en moins contre la Chine en cas de rétorsion. J’imagine que les Chinois concernés ne doivent pas être trop heureux de cette interdiction. Car, comme dans tous les pays dictatoriaux, les citoyens les plus riches aiment planquer une bonne partie de leur fortune à l’étranger, loin du pouvoir local, en l’occurrence ici de Pékin.

Et puis, toujours selon Marc Fiorentino, l’autre indice qui montre que nos amis chinois se préparent pour une éventuelle annexion de Taïwan – même si je vous rassure, ce n’est pas pour demain – c’est qu’ils ont demandé “aux banques étrangères qui gèrent des actifs pour la Chine sur la manière dont elles réagiraient en cas de sanctions”.

Vous l’avez compris, grâce à l’Ukraine, la Chine va se préparer aux futures éventuelles sanctions en transférant progressivement certains actifs sous d’autres cieux. Comme le dit David Baverez, un investisseur français actif à Hong Kong : “la Chine ne veut pas se démondialiser, mais elle veut se désoccidentaliser”. Mais bonne nouvelle – si, si, je vous rassure, ça existe encore – à l’inverse des Russes, les dirigeants chinois ne jouent pas aux Dames, mais aux Echecs. Donc, on a encore un peu de répit pour reprendre notre souffle.

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