Impôt minimum des multinationales: la France pressée de transposer l’accord OCDE tandis que certains pays freinent
S’il n’y tenait qu’au ministre français des Finances Bruno Le Maire, les États membres de l’UE approuveraient dès le mois de mars la transposition en droit européen de l’accord mondial sur l’imposition minimale à 15% des multinationales, dégagé l’automne dernier à l’OCDE. La Belgique est sur la même longueur d’onde. Mais d’autres pays de l’Union, comme la Pologne, la Hongrie ou l’Estonie, freinent. Budapest juge la présidence française du Conseil de l’UE “trop ambitieuse” à cet égard.
Dans leur accord historique d’octobre visant à résoudre les défis fiscaux de la numérisation de l’économie, 137 pays sont convenus que les plus grandes multinationales, au premier rang desquelles les géants du numérique, allaient devoir faire preuve de plus de transparence sur leurs bénéfices, afin de répartir plus équitablement les montants d’imposition, au bénéfice des pays dans lesquels ces multinationales opèrent sans y avoir leur siège social (“premier pilier” de l’accord).
Les plus grands groupes multinationaux devraient en outre être soumis à travers le monde, à partir de 2023, à un impôt des sociétés de minimum 15%, une manière de réduire la concurrence fiscale effrénée qui pousse les recettes des États vers le bas (“deuxième pilier”).
C’est de ce second pilier que les ministres des Finances de l’UE ont débattu mardi, sur base d’une proposition de la Commission de décembre visant à transposer dans la législation européenne ce volet de l’accord OCDE, avant la transposition en droit national. Pour Bruno Le Maire, qui présidait la réunion, il serait incompréhensible pour l’opinion publique que les États membres de l’Union freinent un accord qu’ils ont déjà approuvé à l’OCDE. Le Français espère voir ce dossier finalisé pour la réunion Ecofin de la mi-mars, à quelques semaines de l’élection présidentielle française, ce qui serait un bon point à faire valoir par le président sortant, Emmanuel Macron.
Mais tous les pays de l’UE ne partagent pas cet empressement, et notamment la Hongrie de Viktor Orban, adversaire déclaré d’Emmanuel Macron au sein de l’Union. Budapest, qui fait partie des États misant sur leur attractivité fiscale, avait négocié jusqu’à la dernière minute à l’OCDE. “Pour nous aussi ce dossier est hautement prioritaire. La proposition de la Commission suscite encore pas mal de questions techniques qui doivent être clarifiées“, a averti la ministre hongroise Mihaly Varga. “Un accord au premier semestre de cette année, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2023, est trop ambitieux“, selon elle. Mme Varga a réclamé plus de temps pour que les États membres puissent transposer la directive européenne et que les entreprises se préparent.
Pour le ministre polonais Arkadiusz Plucinski, les deux piliers de l’accord OCDE ne peuvent être disjoints, et une entrée en vigueur précipitée de l’impôt minimal nuirait à la compétitivité européenne. Sa collègue estonienne Keit Pentus-Rosimannus s’est voulue prudente elle aussi. “Nous devons analyser si un traitement rapide est dans l’intérêt de l’Union européenne. La qualité doit primer sur la vitesse”.
Bruno Le Maire a rappelé que le premier pilier relevait d’un accord international, au contraire du pilier 2 qui était une directive. “Mais c’est bien un paquet, pilier 1 et pilier 2”, a-t-il dit, rappelant l’objectif d’une entrée en vigueur des deux piliers au 1er janvier 2023. Le ministre belge des Finances, Vincent Van Peteghem, a soutenu le Français pour une transposition rapide du deuxième pilier. Il a souhaité à son collègue plein succès pour un accord rapide et bénéfique.