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Immigration : mythes et faits

La crise des migrants en Europe suscite énormément de questions. Alain Mouton, journaliste au magazine néerlandophone Trends confronte les faits à certaines affirmations concernant cette crise.

Les migrations de personnes ont existé de tout temps

Selon les derniers chiffres de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l’UE, Frontex, au cours de la première moitié de l’année 2015, 340.000 migrants sont venus en Europe. C’est trois fois plus qu’au cours des sept premiers mois de 2014. Il en résulte que, selon The Migrant Files, 400 réfugiés par mois sont morts dans la Mer Méditerranée. En 2014, 219.000 réfugiés ont risqué la traversée. C’est dix fois plus que deux ans plus tôt. Et le nombre continue d’augmenter. Le vieux continent connaît une des plus importantes crises de l’immigration depuis la Deuxième Guerre Mondiale. Et c’est ce qui donne l’impression qu’il s’agit d’un événement unique.

Mais c’est relatif. La migration a existé de tout temps. Et il y eut dans le passé des flux migratoires plus importants vers l’Europe. La situation n’est pas à comparer avec ce qui s’est passé après la Deuxième Guerre Mondiale. Il était alors question de millions de ‘personnes déplacées’, des Allemands, notamment, furent expulsés de l’ancien territoire allemand dorénavant polonais. Ou les survivants de l’Holocauste à la recherche d’un nouveau chez-soi. En 1962, un million de colons français (les “pieds noirs”) ont fui, en l’espace de quelques mois à peine, l’Algérie devenue indépendante pour regagner la France. Ces migrants étaient des personnes avec des origines européennes.

La crise actuelle des réfugiés est d’un autre ordre. Il s’agit de personnes issues de l’extérieur du continent européen, surtout d’Asie et d’Afrique, qui fuient une situation de guerre. Ou de personnes à la recherche de travail et d’une vie meilleure en Europe.

La vie de tous les réfugiés qui arrivent en Europe est en danger

Le correspondant de guerre hollandais et journaliste d’investigation, Arnold Karskens, s’est rendu au cours des dernières semaines tant à Calais qu’à Kos, où de nombreux réfugiés sont regroupés. Il est arrivé à la conclusion que, pour les réfugiés séjournant à Calais, il s’agit pour la majorité d’entre eux de réfugiés économiques qui désirent construire une nouvelle et meilleure vie en Grande-Bretagne. Des chercheurs de bonheur en quelque sorte, qui ne viennent pas nécessairement d’une zone en guerre.

La situation des réfugiés en provenance de Syrie et d’Irak est quelque peu différente. Ils fuient réellement des situations de guerre. Depuis 2011, environ 4 millions de Syriens ont quitté leur patrie et cherché refuge en particulier au Liban (1,17 million), en Jordanie (630.000) ou en Turquie (1,8 million), selon les chiffres émis par l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés UNHCR.

“Ce sont des pays voisins où les Syriens ne sont pas poursuivis”, explique Arnold Karskens. En d’autres mots, en Turquie par exemple, ils se trouvent en sécurité. Toujours selon lui, dès qu’ils voyagent vers une île grecque, il n’est plus question de demandeurs d’asile mais de migrants à la recherche d’une situation économique meilleure.

L’immigration résout le problème du vieillissement

Dans l’Union Européenne, dix pays membres sur les 28 voient leur population diminuer. Etant donné que le taux de natalité européen reste faible, l’immigration est le seul facteur démographique positif. Les économistes soulignent que la croissance de la population par le biais de l’immigration augmente l’offre de main-d’oeuvre. Plus de personnes au travail signifie aussi plus de croissance économique. Mais avec cela, le problème du vieillissement n’est toujours pas résolu. L’Europe compte 44 millions d’immigrants soit 9% sur une population de 500 millions. Pour assurer les pensions, la population européenne devrait doubler d’ici 2050. Même avec une immigration de masse, cela n’est pas possible. Le financement des pensions devra donc se faire via d’autre canaux, car les immigrants vieillissent eux aussi. En fait, c’est très simple: la seule manière de financer le vieillissement de la population, c’est que chacun – autochtones et nouveaux arrivants – travaille plus longtemps.

L’immigration met notre sécurité sociale relativement généreuse sous pression

“Ou vous optez pour une immigration importante, mais dans ce cas vous devez avoir une sécurité sociale moins généreuse. Ou bien vous conservez cette dernière, mais alors vous devez limiter l’immigration.”

Cette citation de l’économiste de l’Ecole de Chicago, Milton Friedman, est encore toujours utilisée dans le débat sur l’immigration. Entre autres par l’économiste britannique, Paul Collier. Il déclare dans son livre ‘Exodus: How Migration is Changing our World’ (L’Exode: comment l’immigration change notre monde) que l’immigration massive menace la cohésion culturelle des pays riches. Lorsque les migrants se cramponnent aux normes culturelles qui, selon les mots de Collier, “rendent leur pays d’origine dysfonctionnel, comme la corruption, et qu’elles s’étendent dans leur nouveau pays d’accueil”, alors il n’y a pas de raison de la part des autochtones de financer une sécurité sociale généreuse.

Paul Collier constate que l’intégration des immigrants se passe plus facilement dans les sociétés qui ont un système d’allocations moins généreux, comme c’est le cas aux Etats-Unis. Le système de sécurité sociale occidental est vivable uniquement si l’immigration répond à des conditions précises: le nombre de nouveaux immigrants doit est lié au succès de personnes arrivées antérieurement, dans le groupe d’immigrants, le nombre de diplômés (études supérieures) doit être élevé, le regroupement familial doit être limité et les réfugiés en provenance des zones de conflit doivent être accueillis, mais doivent retournés dans leur pays d’origine une fois que la paix y est revenue.

L’absorption des flux migratoires se passe mieux quand le travail est flexible

La Grande-Bretagne suscite beaucoup d’attrait auprès des immigrants et pas seulement à cause de la langue. Le pays a simplement un marché du travail extrêmement flexible et celui-ci peut absorber les immigrants beaucoup plus vite. Un salaire minimum bas, peu de protection sociale et des conventions collectives de travail flexibles peuvent faciliter l’accès des immigrants au marché du travail. Sur le continent, ce sont surtout les ‘insiders’, ceux qui ont déjà un emploi, qui sont protégés. Il en résulte que certains immigrants se retrouvent de manière disproportionnée au chômage ou dans le circuit du travail au noir. D’autres choisissent le statut d’indépendant, comme par exemple beaucoup de Polonais dans le secteur de la construction.

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