“Imbuvable”, “à rejeter” : les syndicats réagissent à l’AIP

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“Du bon et du mauvais” au mieux, “imbuvable”, “très loin de nos priorités” et “à rejeter” au pire : les syndicats ne sont pas tendres avec le projet d’accord interprofessionnel conclu au début de la semaine. Et le font savoir.

Accord interprofessionnel : la FGTB Métal flamande rejette le texte…

Herwig Jorissen, président de l’aile flamande de la FGTB Métal, recommande de rejeter le projet d’accord interprofessionnel conclu mardi soir par les partenaires sociaux réunis au sein du Groupe des dix. A ses yeux, ce sont les étapes prévues afin de réduire le fossé entre les ouvriers et les employés qui sont “trop minimes et non crédibles”.

“Nous avons fait notre possible pour parvenir à un compromis : désormais, c’est à nos militants de décider si c’est suffisant ou pas, avait déclaré la veille Anne Demelenne, secrétaire générale de la FGTB. Ce projet va être soumis et expliqué aux militants au cours de dizaines de réunions. Au total, le processus durera plus de deux semaines.” Le syndicat socialiste dernier pourrait arrêter sa position définitive sur le texte le 4 février prochain.

“Le projet est un signal pour les travailleurs dont les attentes sont élevées et légitimes, mais aussi un message à tous ceux qui voudraient mettre en place une politique d’austérité”, a prévenu Anne Demelenne.

Pour rappel, le projet d’accord conclu dans la nuit de mardi à mercredi prévoit notamment une hausse salariale de 4,2 % pour les deux années à venir, dont 3,9 % sont directement liés à l’index. “Nous sommes les seuls à bénéficier de ce système d’indexation automatique des salaires qui protège bien les travailleurs. Il faut le préserver, surtout quand on voit la situation dans les autres pays où des politiques d’austérité sont mises en place.”

Quant à l’harmonisation des statuts ouvriers et employés, “c’est un dossier très technique dans lequel il faut se montrer très prudent, d’autant qu’il a longtemps constitué un tabou dans les rangs syndicaux. Mais nous avons tout de même mis en route une série de points qui améliorent la protection des travailleurs.”

Faut-il en déduire que ce projet d’accord est bon ? “Je n’ai jamais dit ça et je ne le dirai jamais, répond Anne Demelenne. Au cours de ces discussions très difficiles, nous avions un objectif et nous sommes parvenus à un compromis avec des partenaires qui ne partageaient pas nos positions. C’est maintenant aux militants de décider si ce compromis est suffisant.”

Un projet “imbuvable”, estime le Setca…

Le projet d’accord interprofessionnel est “imbuvable”, a estimé le Setca mercredi, après que son comité exécutif fédéral eut analysé le texte. “Nous constatons que ce texte ne correspond pas, sur des éléments essentiels, au mandat que nous avions donné aux dirigeants de la FGTB”, a précisé le Setca dans un communiqué.

Particulièrement pointée du doigt : l’harmonisation du statut des ouvriers et des employés. “En matière de licenciement, la période de transition qui est prévue dans le texte prévoit une prise en charge quasi exclusive, par la Sécurité sociale, des améliorations pour les ouvriers. Dans le même temps, une première détérioration du statut des employés est prévue.”

Selon le Setca, “le texte prévoit à terme, de manière à peine voilée, un statut unique dont les principes sont clairement exprimés dans le texte. Reste à remplir les détails de ce régime définitif qui offrira moins de protection pour les employés, plus de coûts pour la Sécurité sociale et rendra le licenciement bon marché pour les employeurs.”

Le syndicat socialiste regrette également la généralisation du chômage temporaire, sans critères économiques restrictifs, pour les employés, “ce qui apporte une flexibilité supplémentaire pour les employeurs à charge de la collectivité”.

Quant à la marge salariale de 0,3 % au-dessus de l’index en 2012, elle est “insuffisante” pour le Setca : “Si nous constatons que le système d’index est maintenu pour les deux ans à venir, le projet d’accord sous-entend que des changements importants seront apportés après 2012. Notre système d’index n’est donc pas à l’abri.” Le Setca réunira son comité fédéral le 26 janvier prochain.

Pour le CNE, “le texte est très loin de nos priorités”…

“Une lecture rapide de l’accord interprofessionnel suffit pour comprendre que ce texte est très loin de nos priorités et des attentes de nos affiliés, a commenté mercredi soir la CNE. Certes, avoir un accord interprofessionnel dans le contexte institutionnel que l’on connaît aujourd’hui est une bonne chose : nous tenons à l’unité de la Belgique et au système de concertation sociale, et nous souhaitons le faire fonctionner.”

Néanmoins, “au-delà de l’index, la marge de négociation des salaires est proche de zéro et l’absence de progrès vers plus d’égalité dans les salaires est un réel échec, dont les négociateurs patronaux portent la responsabilité”, dénonce la CNE. Le syndicat craint également que soit mis à mal le rôle du préavis comme protection contre le licenciement.

La CNE laissera le soin à ses militants de définir la position à adopter sur ce texte. Un bureau national CNE se réunira vendredi 21 janvier pour organiser les consultations, qui se feront dans les régions durant la semaine du 24 janvier.

Le SNI voit des aspects positifs et négatifs…

Le Syndicat neutre des indépendants “observe quelques points positifs et négatifs dans l’accord interprofessionnel que les partenaires sociaux ont conclu”, annonce mercredi le SNI dans un communiqué.

L’organisation des entrepreneurs indépendants déplore ainsi “l’abolition du jour de carence pour les ouvriers, car cela ouvre les portes pour une augmentation de l’absentéisme”. “Cela coûtera cher aux PME, réagit Christine Mattheeuws, présidente du SNI. De plus, le délai de préavis unique, calqué sur celui des employés inférieurs, est néfaste pour les PME qui, en général, travaillent avec beaucoup d’ouvriers.”

Le SNI comprend toutefois “qu’il n’est pas facile de faire converger les statuts d’ouvrier et d’employé et apprécie le fait que le chômage économique pour employés sera instauré définitivement”.

La conclusion de ce projet “relève de l’exploit” (CGSLB)…

“La conclusion du projet d’accord interprofessionnel relève de l’exploit”, les négociateurs ayant dû tenir compte à la fois “d’une situation économique complexe et du fait que l’harmonisation des statuts ouvriers-employés s’imposait, a commenté mercredi soir le syndicat libéral. Cet accord interprofessionnel devrait permettre à la concertation sociale au niveau des secteurs de débuter dans une plus grande sérénité.”

Le texte sera soumis à la base de la CGSLB dans les jours à venir. Le comité national du syndicat, convoqué le 4 février prochain, se prononcera définitivement sur le texte.

“Un bon projet malgré certaines frustrations”, estime la CSC

“Malgré certaines frustrations, dont celle de ne pas être parvenu à un texte concernant tous les travailleurs, nous sommes parvenus à un bon projet d’accord que nous allons présenter à notre base du 19 au 31 janvier, avant le conseil général de la CSC prévu dans la matinée du 1er février”, ont réagi mercredi les responsables du syndicat chrétien. “Le texte est ce qu’il est et il reste beaucoup de travail, mais nous ne pouvions pas davantage à l’heure actuelle”, a conclu le président de la CSC.

“Nous sommes allés le plus loin possible : on va voir, maintenant, si c’est suffisant pour nos militants car ce sont eux qui trancheront, a déclaré Luc Cortebeeck, président de la CSC. C’est un premier pas dans la bonne direction, en particulier pour les travailleurs débutants.”

Quant à l’harmonisation des statuts d’ouvriers et d’employés, “évidemment, nous aurions préférés que tous les travailleurs soient concernés et que cela aille plus vite pour les ouvriers, mais nous devons tenir compte de tous les éléments”.

Autre raison de satisfaction pour le syndicat chrétien : le maintien de la liaison automatique des salaires à l’index. “Les négociations à ce sujet ont été ardues avec des positions plus que divergentes au sein du Groupe des dix, a indiqué de son côté Claude Rolin, secrétaire général de la CSC. Cette question, pour nous, n’était pas négociable car c’est ce système qui permet de maintenir le pouvoir d’achat des travailleurs.”

Quant à la marge de 0,3 % disponible pour 2012, “elle constitue un plus par rapport à bien d’autres pays européens” qui ont mis en place des politiques d’austérité.

Trends.be, avec Belga

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