“Les paysans sont devenus le symbole de la lutte contre la mondialisation”: l’ex-eurodéputé écologiste et héraut de la lutte contre la “malbouffe” en France José Bové et quelques-uns de ses camarades reviennent, 20 ans après, sur le “démontage” le 12 août 1999 d’un restaurant McDonald’s dans le sud du pays.
La moustache a blanchi mais la détermination est intacte. Optimiste, José Bové estime que beaucoup de choses ont avancé depuis: “On peut dire qu’il y a eu une prise de conscience de la société mais la logique du modèle (capitaliste) est toujours là”. Il évoque les combats d’aujourd’hui, face aux accords de libre-échange, au “Ceta, l’accord avec le Mercosur, ou la politique de Bolsonaro (le président brésilien d’extrême droite)…”.
“Le McDo a été le début du mouvement altermondialiste”, se félicite aujourd’hui auprès de l’AFP José Bové.
Retour 20 ans en arrière: à l’été 1999, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) vient d’autoriser les Etats-Unis à prendre des sanctions économiques contre l’Union européenne qui refusait d’importer du boeuf “dopé” aux hormones.
Fin juillet, une poignée d’irréductibles paysans français du Larzac (sud) ou néo-ruraux, membres du syndicat agricole de la Confédération paysanne ou du Syndicat des producteurs de lait de brebis, veulent mener une action forte pour protester contre la décision de Washington de surtaxer le Roquefort, fromage emblématique de leur région.
Le plateau du Larzac a été à la fin des années 1970 le haut lieu d’une révolte anti-militariste qui a fait souffler un vent libertaire et affluer des néo-ruraux dans cette zone. José Bové, originaire de la région de Bordeaux (sud-ouest), s’installe définitivement avec sa famille au Larzac en 1976 pour devenir éleveur de brebis.
Confortablement installé dans le jardin de sa maison en bois qu’il a depuis fait construire dans son fief, le hameau de Montredon, il se remémore la réunion préparatoire à cette action.
“Dans la discussion, très vite, le McDo arrive sur la table. D’un côté, on a le Roquefort, l’une des premières Appellations d’origine contrôlée (AOP) et, de l’autre, on a la bouffe industrielle, le boeuf aux hormones”, rapporte-t-il.
– “Boutade” –
“C’est parti, comme ça… C’était une boutade”, se souvient l’éleveur à la retraite Léon Maillet. Le 12 août 1999 au matin, 300 personnes – des éleveurs, paysans, militants de la Confédération paysanne, amis, ou syndicalistes – se retrouvent sur le chantier de construction d’un restaurant McDonald’s à Millau.
Sur une estrade improvisée, le porte-parole de la Confédération paysanne, José Bové, prononce un discours qui va “inventer” le combat contre “la malbouffe”, un terme emprunté au scientifique français Joël de Rosnay. “McDo est le symbole de ces multinationales qui veulent nous faire bouffer de la merde et qui veulent faire crever les paysans”, lance alors le militant à la moustache devenue célèbre depuis.

Le McDo subit des dégradations lors de cette action et quatre militants sont interpellés, inculpés et écroués quelques jours plus tard.
– “Copains en taule” –
José Bové, parti en vacances, échappe au coup de filet. Il organise son retour, convoque la presse, et se présente devant la juge d’instruction. Lorsqu’elle lui annonce son placement en détention provisoire, le militant bravache lui rétorque: “merci Madame, vous venez de nous faire gagner 10 ans”.
“C’était grave les copains en taule”, commente Jean-Paul Scoquart, un militant qui décide de lancer un comité de soutien. Les chèques arrivent de partout dans le monde. Et José Bové, touché par le don “d’un syndicat de petits paysans du Texas”, finit par consentir à retrouver la liberté en réglant sa caution de 105.000 francs (environ 16.000 euros).
En France, les audiences devant les juges, les procès, l’incarcération de Bové sont, à chaque fois, de véritables happenings, réunissant des milliers de sympathisants.
Le 30 juin 2000, José Bové et ses co-prévenus sont condamnés en première instance par un tribunal à Millau. Un grand concert est alors organisé avec de nombreux artistes renommés et des dizaines de milliers de personnes se pressent dans la ville.
Quand José Bové se rend en novembre 1999 au sommet de l’OMC à Seattle, le Frenchy n’est plus un inconnu et peut faire passer son message. “La réflexion sur l’OMC passe par l’assiette. Le Roquefort est devenu le symbole de cette résistance”, s’amuse-t-il. “On a pu ensuite montrer du doigt les pesticides, les OGM …”, relève Jean-Paul Scoquart.