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Il nous faut un bazooka monté à l’endroit
Une nouvelle arme anticrise – un dispositif d’aides ciblées – devra être inventée, pour aider les PME qui étaient saines avant la crise à reconstituer leurs fonds propres.
Voici quelques jours, le patron de John Cockerill, un des trop rares fleurons industriels wallons, se réjouissait d’avoir pu limiter la casse en 2020. Mais il s’interrogeait sur les outils de financement mis en oeuvre dans le pays: alors que le groupe avait besoin de renforcer sa trésorerie pour affronter l’arrêt brutal des commandes au printemps 2020, les institutions de crédit belges n’avaient pas répondu présent. “Nous avons pu obtenir des prêts de trésorerie pour nos filiales en France ou aux Etats-Unis – et nous les remboursons maintenant – mais pas en Belgique. Le système n’a pas fonctionné ici”, regrettait Jean-Luc Maurange.
Une nouvelle arme anticrise – un dispositif d’aides ciblées – devra être inventée, pour aider les PME qui étaient saines avant la crise à reconstituer leurs fonds propres.
A peu près au même moment, le gouverneur de la Banque nationale Pierre Wunsch, présentant le rapport annuel de son institution en commission des Finances de la Chambre, admettait s’être trompé en constatant le peu de succès du programme de prêts garantis par l’Etat qui devait aider à financer les PME. La taille de ce programme “bazooka” était de 50 milliards mais, finalement, aujourd’hui, seuls deux petits milliards ont été octroyés. Dans les pays voisins, en France, au Royaume-Uni, ces prêts ont connu un succès notable.
Nos banques n’auraient donc pas fait le job? L’affirmer serait aller un peu vite. L’encours des crédits aux entreprises fin décembre 2020 dépassait les 169 milliards, soit 3,4% de plus qu’en 2019. Certes, cette augmentation s’explique en partie parce que de nombreuses entreprises ont fait appel au moratoire et ont retardé leur remboursement, mais on n’a pas observé un assèchement du crédit.
Mais oui, les banques ne prêtent que très peu via l’outil du prêt garanti, pour une raison que l’on aperçoit aujourd’hui: l’arme était montée à l’envers. Alors que dans de nombreux pays, l’Etat était en première ligne pour affronter les risques, chez nous, ce sont les banques qui ont dû assumer pleinement les pertes sur une première tranche de 3 à 5% du prêt. Et du coup, le bazooka a fait pschitt.
On ajoutera aussi que la mesure, au départ, était mal taillée (les prêts garantis n’avaient initialement qu’une durée d’un an) et que ce mécanisme s’adressait au final à peu d’entreprises puisque, pour en bénéficier, il fallait contracter un nouveau prêt. Or, qui, dans l’incertitude, allait se mettre un nouveau crédit sur le dos? Beaucoup de banquiers pensent néanmoins que lorsque la confiance sera revenue, ce bazooka sera finalement utilisé pour financer la reprise et réapprovisionner les fonds de roulement asséchés par la crise.
Toutefois, cet arsenal ne suffira pas à sauver les entreprises en manque de capitaux. Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et dans d’autres pays, les prêts garantis commencent à se muer en un quasi-capital pour les petites entreprises. Aux Etats-Unis, par exemple, les PME qui en ont bénéficié voient ce prêt se muer en aide non remboursable sous certaines conditions (conservation de l’emploi, notamment).
Chez nous, le problème de solvabilité des entreprises touchées par la crise n’est pas encore résolu. Et ce ne sera pas aux banques de le faire, comme l’a souligné Pierre Wunsch: “Donner un prêt à une entreprise confinée depuis un an n’est pas le rôle d’une banque. C’est un problème de solvabilité, qui doit être résolu en tant que tel”. Qui le réglera? Dans certains cas les invests régionaux, la SFPI fédérale, les investisseurs lointains ou proches (les family and friends) mais aussi, sans doute, à nouveau, l’Etat. Une nouvelle arme anticrise – un dispositif d’aides ciblées – devra être inventée, pour aider les PME qui étaient saines avant la crise à reconstituer leurs fonds propres. Et il faudra cette fois la monter à l’endroit.
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