Si Michel Barnier exige plus de concurrence et de transparence dans le marché des agences de notation, le commissaire européen n’a pas retenu, à ce stade, le projet d’une agence publique, dont la “neutralité serait immédiatement mise en cause” et les “coûts associés dissuasifs”. Interview exclusive.
Lisez l’interview exclusive de Michel Barnier, dans son intégralité, dans le numéro 46 du magazine Trends-Tendances.
Dans son bureau situé au 10e étage du Berlaymont, siège de l’exécutif européen à Bruxelles, Michel Barnier est commissaire en charge du Marché intérieur et des Services depuis février 2010. Qu’il s’agisse des agences de notation, de la supervision des banques ou de la réforme du secteur de l’audit, cela fait maintenant près de deux ans qu’il planche sur une nouvelle régulation financière pour, comme il le dit lui-même, “remettre de la transparence et de la morale dans la finance européenne”.
Le contrôle des agences de notation est actuellement au coeur des débats. Moody’s est d’ores et déjà sorti du bois pour dénoncer un “projet contre-productif”. L’occasion était belle de poser, au commissaire européen, quelques questions sur ce sujet des plus brûlants.
Où en êtes-vous de la réforme des agences de notation, l’un de vos gros chantiers ?
Les agences de notation sont trop peu nombreuses et trop puissantes. Des erreurs et des fautes ont été commises : elles ont bien noté certains établissements qui ont fait faillite ou des produits toxiques. Il faut donc plus de concurrence et plus de transparence. Ce n’est pas le thermomètre qui provoque la fièvre… mais il ne doit pas l’accentuer !
Les propositions que nous venons de mettre sur la table visent à éliminer les risques de conflit d’intérêts et à réduire la dépendance des Etats aux notes des agences de notation. La notation erronée de la France par Standard & Poor’s me renforce dans ma conviction que l’Europe doit adopter une réglementation stricte et rigoureuse en la matière.
A ce propos, faut-il interdire la notation des dettes souveraines ?
Nous étudions cette possibilité. Je pense que, dans certaines circonstances bien définies, il doit être possible de suspendre la notation d’un pays lorsque celui-ci est sous le programme de solidarité du Fonds monétaire international, de la Banque centrale européenne et de l’Union européenne. Une notation ne doit pas venir recréer de l’instabilité dans un pays en plein redressement.
Où en est le projet de création d’une agence publique ?
C’est une idée que je n’ai pas retenue à ce stade. Sa neutralité serait immédiatement mise en cause. Et les coûts associés dissuasifs. Par ailleurs, il existe déjà une institution publique qui fait de la notation d’Etat : le FMI. Peut-être doit-on réfléchir à renforcer ce rôle. Ce qui compte en tout cas, c’est que les agences existantes soient crédibles et qu’il y en ait davantage sur le marché.
Propos recueillis par Sébastien Buron