Trends Tendances

Grexit, Brexit, Nexit… Europe, par ici la sortie

La crise grecque a exacerbé la créativité langagière. A côté du “Grexit” (exit de la Grèce de la zone euro) inventé par les économistes de Citigroup en 2012, on a vu apparaître 50 autres nuances de “Gre”.

“Gre-in” (la Grèce reste dans la zone euro), “Gre-tention” (la rétention temporaire de la Grèce dans la zone) ou “Grimbo”, qui évoque le fait que la Grèce reste dans les limbes, ce no man’s land entre le paradis et l’enfer dans lequel erraient pour l’éternité les enfants morts sans avoir eu le temps d’être baptisés…

On aurait aimé le même effort créatif pour trouver des solutions au problème économique. Hélas, d’Eurogroupe en Ecofin, on tourne en rond, pour des raisons désormais bien connues : la Grèce, qui a vu son PIB chuter de 25 %, ne veut plus entendre parler de la poursuite des réformes structurelles. Et ses partenaires européens ne veulent pas donner de l’argent sans avoir un minimum de contrôle sur le processus de rétablissement du pays. L’absence complète de diplomatie de la délégation grecque, remettant sur le tapis le vieux contentieux des dommages de guerre, n’a évidemment pas aidé.

Un défaut sur la dette grecque devient de plus en plus vraisemblable…

Cet échec à sauver un Etat membre qui ne représente que 2 % de l’économie de la zone euro constitue un tel aveu d’impuissance du projet européen que, assez naturellement, les eurosceptiques prennent de plus en plus d’assurance. Les partis nationalistes ont le vent en poupe. Au Royaume-Uni, une sortie de l’Union européenne, un “Brexit”, est de plus en plus évoquée : pressé par les nationalistes de Ukip, le Premier ministre conservateur David Cameron a ouvert la boîte de Pandore en promettant, s’il gagnait lors des élections du 7 mai, un référendum sur le maintien ou non de Londres dans l’Union.

Pourtant, tant pour la Grèce que pour le Royaume-Uni, un exit est la pire solution. Une sortie de la Grèce ne résoudra pas les problèmes de la zone euro, ni ceux du pays : Athènes ne dispose pas d’un tissu d’entreprises exportatrices susceptibles de bénéficier d’un éventuel retour à la drachme. De même, un Brexit a peu de sens économique : selon une récente étude de la fondation Bertelsmann, une sortie brutale de l’Union européenne pourrait affecter l’économie britannique à hauteur de 14 % du PIB d’ici à 2030.

Pourquoi dès lors les forces centrifuges gagnent-elles du terrain ? Parce que l’impossibilité de résoudre le problème grec a créé au sein de la population un tel sentiment de méfiance qu’aujourd’hui, le projet d’Europe fédérale apparaît comme improbable, sinon naïf.

Après la nécessaire restructuration de la dette grecque, la seule solution envisageable à moyen terme pour réconcilier la démocratie et le fait d’être membre de la zone euro consiste, comme le propose l’ancien conseiller économique de Manuel Barroso, Philippe Legrain, à appliquer véritablement la règle de no bail out (l’interdiction faite aux Etats membres de renflouer un des leurs) : il ne s’agit pas d’abandonner la solidarité européenne, mais d’éviter de répéter l’erreur de 2010 et 2012. On avait alors prêté à la Grèce, pas pour aider le pays, mais pour qu’il puisse rembourser ses dettes aux banques. Revenir au no bail out, c’est obliger ceux qui ont prêté inconsidérément à acter leurs pertes sans solliciter le contribuable. Cela donnerait davantage de libertés aux gouvernements nationaux. Non pour qu’ils dilapident l’argent public, mais pour qu’ils puissent montrer une certaine efficacité d’une politique économique.

Le but ultime est en effet de restaurer la confiance. Sans quoi, de plus en plus de pays succomberont à la tentation de l’exit. “Frexit” pour une sortie de la France, “Nexit” pour un exit néerlandais, etc. : ce scénario enrichirait certes le vocabulaire économique. Mais il n’enrichirait que lui.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content