Grèves à la SNCB: jusqu’où faut-il financer le rail?

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Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Mauvaise semaine pour les usagers des chemins de fer avec deux grèves. Cela pose la question de la limite du financement public.

Ceux qui font confiance aux trains pour se déplacer risquent de passer une mauvaise semaine. Deux grèves vont perturber le service. La première, organisée en front commun à partir de ce lundi 28 novembre à 22h et la journée du mardi 29 novembre, vise à mettre la pression sur le gouvernement pour qu’il ouvre plus grand le portefeuille pour les contrats de service public pour la SNCB et de performance pour Infrabel, signés d’ici fin décembre pour dix ans. La seconde grève est catégorielle, elle est organisée par le Syndicat autonome des conducteurs de trains (SATC), pour de meilleures conditions de travail, et pourrait durer jusqu’à jeudi.

300 à 400 euros par habitant

La première grève sur les moyens du rail pose la question de la limite du financement public. Le rail, qui représente 8% de part de marché dans les transports, coûte très cher et coûtera encore plus cher, puisque le gouvernement est prêt à injecter 2 milliards d’euros de plus sur 10 ans, et peut-être un de plus pour financer des investissements. Au total, il devrait y avoir 43,83 milliards d’euros (indexés) soit plus de 4 milliards d’euros par an. Le rail coûtera ainsi 400 euros par habitant, il en coûte déjà environ 300 euros. C’est beaucoup. Pour les syndicats, ce n’est pas assez.

Si les moyens sont importants c’est que le gouvernement, où l’Ecolo Georges Gilkinet est chargé de la mobilité, souhaite augmenter l’offre ferroviaire et quasi doubler la part de marché du rail. “Nous attendons 10% de trains en plus sur le contrat de service public de 10 ans” indique le ministre. Une partie sera le résultat de moyens supplémentaires, une autre d’une amélioration de la productivité. “Pour augmenter la quantité de trains qui roulent, deux euros proviendront des pouvoirs publics, un euro d’une plus grande efficience” continue le ministre.

Pas de concurrence pour la SNCB …Jusqu’en 2033

Les syndicats, en front commun, aimeraient que l’Etat paie encore plus malgré une situation budgétaire très difficile, avec un déficit public de près de 6% du PIB, le plus élevé de l’UE. Alors que le gouvernement de la Vivaldi se montre bien plus favorable au rail que celui de Charles Michel, qui en avait raboté les subsides. Il a aussi pris la voie la plus favorable pour la SNCB telle qu’elle fonctionne actuellement, la plus agréable aux syndicats.

La Vivaldi n’a pas adopté l’approche que le 4ème paquet ferroviaire européen met en place, l’attribution des aides publiques au rail par appel d’offres, qui aurait mis en concurrence la SNCB avec d’éventuels d’autres opérateurs étrangers (Transdev, Arriva,…) qui auraient peut-être proposé de faire le même service moins cher. Il recourt à une disposition autorisée par l’UE, l’attribution directe d’un contrat de service public pour 10 ans, de janvier 2023 à fin 2032, à l’opérateur historique. Au terme de cette décennie, un appel d’offres pour une ou plusieurs concessions de service public sera nécessaire. “Les règles européennes peuvent encore évoluer, mais, effectivement, en 2033, la SNCB sera soumise à la concurrence” reconnaît le ministre.

Dix ans pour améliorer les performances

La SNCB a donc dix ans pour améliorer ses performances, car elles ne sont pas très bonnes. Un document publié par le SPF Mobilité, en septembre 2019, Un horizon pour le rail, réalisé par un consultant, inno-V, montre que le coût du rail en Belgique est nettement plus élevé que dans des pays voisins (Pays-Bas, France, Allemagne, Grande-Bretagne, Danemark, Suisse). “Les coûts d’exploitation par train-km sont en Belgique très supérieurs à la moyenne, y compris en faisant abstraction des redevances d’infrastructure. Ils sont les plus élevés de l’échantillon, à un niveau de 57% supérieur à la moyenne.”

Cette observation corrobore les conclusions d’une étude menée à l’ULg par Axel Gautier et Iman Salem, publiée en 2016 dans la revue Regards Économiques, qui relevait que la SNCB avait une productivité très faible en regard d’autres réseaux européens. “Nos calculs et ceux de la SNCB tendent à montrer que ni la qualité du service, ni la productivité de l’entreprise ne sont satisfaisantes” indiquait l’étude. “Une augmentation de la productivité pour arriver à des performances comparables à celles des autres entreprises européennes est nécessaire à la viabilité de l’entreprise dans un environnement concurrentiel.”

Éviter la répétition du désastre B Cargo

En d’autres termes, imaginer que tout se règlera en augmentant toujours plus subsides et dotations est une approche insuffisante, si pas risquée. Il faudrait éviter que la SNCB en arrive à la même situation que celle de son activité de marchandise, qu’elle a fini par abandonner et revendre, faute de parvenir à l’opérer à des coûts acceptables, dans le contexte concurrentiel mis en place par l’UE.

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