Gouvernement fédéral de crise, bouts de ficelles budgétaires et résistance énergétique

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Accord sur le budget fédéral. Un nouvel exercice d’équilibriste entre sept partis. On taxe les surprofits et les banques pour aider un peu les entreprises et citoyens. Mais pas de prix de l’énergie plafonnés. En période de guerre, aux Belges de résister!

Un accord sur le budget fédéral est intervenu, ce mardi en fin de matinée.

Le gouvernement fédéral d’Alexander De Croo (Open VLD) restera dans l’histoire comme un gouvernement de crises, une équipe transitoire qui a fait ce qu’il a pu pour maintenir la Belgique à flots avant le scrutin existentiel de 2024. Non sans mal, en raison de la difficulté pour les sept partis qui le composent de s’entendre pour faire barrage au nationalisme flamand et pour répondre aux multiples chocs du moment.

Un milliard pour les entreprises

Egbert Lachaert, président de l’Open VLD, insiste: “Le gouvernement De Croo protège les citoyens et les entreprises. Les temps ne sont pas faciles, mais nous avons à nouveau pris nos responsabilités.” “A notre demande, ajoute le libéral flamand, il y aura une augmentation des limites pour le travail étudiant et un élargissement des flexi-jobs. Nous injectons également un milliard d’euros dans les entreprises pour faire face à l’augmentation des coûts salariaux avec l’indexation.”

“On avait promis le 2 juin, nous l’avons fait!, se félicite Georges-Louis Bouchez, président du MR Afin de préserver nos entreprises, tout en soutenant le pouvoir d’achat, l’index ne donnera pas lieu au paiement de cotisations sociales! C’est un milliard d’euros pour soutenir nos entrepreneurs!

Le budget fédéral que le Premier ministre présente à la Chambre ce mardi ne déroge toutefois pas à la règle de l’exercice d’urgence, y compris dans le timing, avec des négociations au finish qui ont duré 24 heures. Après les dépenses de type “quoi qu’il en coûte” de la crise Covid, voici une épure marquée par un choc économique plus préoccupant encore, de l’énergie chère à l’inflation sur fond de guerre en Ukraine. La dette et les taux qui se resserrent n’autorisant plus les mêmes largesses, on râcle les fonds de tiroir. Les efforts sont réels, mais le choc est tel qu’ils ne pourraien pas suffire.

Où restent les grandes réformes?

Par ailleurs, où restent donc les grandes réformes structurelles de cet exécutif censé présenter un “projet positif pour la Belgique”? Le marché du travail, les pensions, la fiscalité, le renouveau démocratique, la transition énergétique…? Oubliés, si ce ne sont quelques notes dispersées ça et là dans un exercice de compromis difficile à lire.

“Il est regrettable par contre que les réformes nécessaires n’ont pu être réalisées mais celles relatives à la fiscalité et au marché du travail sont à l’agenda, reconnaît Georges-Louis Bouchez. La gauche persiste à refuser de faire travailler ceux qui le peuvent et ne le font pas. Irresponsable!”

Bien sûr, le contexte international n’aide pas à déployer une vision, mais celle de ce gouvernement restera marquée par des échanges d’apothicaires entre des familles politiques divisées qui peinent à dégager des “trophées” à présenter aux électeurs. Et qui ne peuvent pas faire preuve ensemble du courage nécessaire en ce moment grave.

Georges Gilkinet, vice-Premier ministre Ecolo, a toutefois été le premier à se féliciter d’un “boost de plus de 3 milliards d’euros pour le train”. “Cette législature marquera un tournant pour le transport ferroviaire et pour notre mobilité”, se félicite-t-il. Tinne Van der Straeten, ministre Groen de l’Energie, insiste quant à elle sur la taxe sur les surprofits qui devrait rapporter quelque 3,1 milliards.

“Les épaules les plus larges”

Le résultat du budget fédéral présenté par Alexander De Croo s’inscit dans ce registre. Peu d’enthousiasme, pas d’élan, même s’il y a effectivement des efforts importants – mais pas suffisants – pour aider les entreprises et les ménages. Un milliard sous forme d’exonérations de cotisations sociales, donc, et un autre milliard sous forme de TVA abaissée et de chèques énergie…

“Le forfait énergie qui allège la facture gaz-électricité de tous les Belges est reconduit jusqu’au printemps!, se félicite Pierre-Yves Dermagne, vice-Premier PS. Plus la facture est lourde, plus le forfait sera élevé.” “On a pesé sur le secteur énergétique et sur les banques pour qu’ils contribuent aux services publics et à la population belge”, a-t-il ajouté à LN24. Dermagne défend: les “paules les plus larges” contribuent.

“What a joke”

Le tout en tentant de maintenir le déficit à un niveau acceptable pour ne pas devenir le mauvais élève de la classe. Pour y arriver, on taxe un peu (les surprofits, les banques…) et on fait les fonds de tiroir jusqu’à toucher les niches fiscales des droits d’auteur (!).

L’opposition nationaliste flamande a beau jeu de dénoncer ce manque d’inspiration. A l’image de ce tweet du député provocateur Theo Francken (N-VA) dénonçant une “blague”: “What a joke”. On ne touche, il est vrai, pas aux fondements du système, on parre au plus pressé pour sauver ce qui peut l’être, on tente de mettre fin à certains abus…

Accord et autosatisfaction du gouvernement fédéral, souligne Catherine Fonck, cheffe de file des Engagés. Mais pas de prix d’énergie régulé/plafonné pour passer le cap de la crise, surprofits énergie revus à la baisse, pas de réforme structurelle ambitieuse sur l’emploi et la fiscalité et rabotage cynique des crédits temps familles.”

Le sentiment qui s’en dégage, inévitablement, alors que les bombes pleuvent sur Kiev et les autres villes d’Ukraine, c’est que face à Vladimir Poutine, la résistance viendra des populations qui se “félicitent” sur les réseaux sociaux de ne pas devoir rallumer leur chaudière trop tôt. Notre résistance sera économique et financière, en veillant à ne pas basculer dans la pauvreté. Sans trop écouter les exercives budgétaires de ce gouvernement de crises.

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