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Gaz russe et hypocrisie forcée de l’Europe

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

L’économie sous son apparence de sérieux et de chiffres, est en réalité aussi une science terriblement humaine. Il suffit d’ausculter l’actualité pour s’en rendre compte.

Prenez le cas de l’euro. Notre devise européenne est trop faible en ce moment face au billet vert. C’est en soi une punition, car les factures d’hydrocarbures sont libellées en dollar. Chaque faiblesse de l’euro face au dollar renchérit nos importations d’hydrocarbures et donc notre inflation importée. La banque centrale européenne a augmenté récemment son taux d’intérêt pour rendre plus attractif l’euro, et donc affaiblir indirectement l’inflation importée, mais cette hausse des taux d’intérêt a été vaine. J’ai failli écrire inutile.

En effet, l’euro n’a hélas pas trop bougé. Et c’est normal : les cambistes ne sont pas idiots, ils savent que l’Europe est plus mal prise que les Etats-Unis sur le plan économique. D’abord, parce que nous sommes sur le territoire du conflit ukrainien, ensuite parce que nous sommes dépendants du gaz russe et au final parce que le dollar rapporte nettement plus que l’euro. Pour ces raisons, et d’autres encore, les cambistes préfèrent le billet vert à la devise européenne.

Aujourd’hui, c’est le dollar qui est la valeur refuge et pas l’euro. Les cambistes savent aussi que l’Europe ne pourra pas trop faire monter ses taux d’intérêt vu la taille himalayenne de nos dettes publiques. En effet, des taux d’intérêt trop élevés, c’est l’assurance que l’Italie va dérailler, or, on voit mal comment l’Europe pourrait supporter la faillite de la 3e économie de la zone euro. Pendant ce temps, le rouble est aussi au plus haut face à l’euro, alors que nos politiques nous avaient annoncé son effondrement !

A ce propos, parlons aussi un peu de l’hypocrisie obligée de la Commission européenne. Chacun sait que Poutine a décidé de fermer le pipeline de Nordstream 1. Officiellement, pour des raisons de maintenance, mais en réalité pour étrangler nos économies et nous forcer à lâcher l’Ukraine.

Oui, sauf que comme le fait remarquer Philippe Béchade, un commentateur plus qu’aguerri de la Bourse et de ses soubresauts, cette fermeture de gaz par le nord, nous a fait oublier que ce gaz russe continue de circuler par le sud, via la Roumanie, la Hongrie et la Pologne et vers un autre pays qui n’est autre que… l’Ukraine ! En d’autres mots, et c’est ça qui est dingue dans ce conflit, c’est que Poutine a oublié de détruire les installations qui transportent le gaz russe à l’ouest. Pire, selon Philippe Béchade, la Russie continue de verser de l’argent à l’Ukraine, sous forme de redevance pour transporter son gaz. Ca permet à l’Ukraine de financer sa guerre en achetant du matériel militaire américain que l’Ukraine utilise contre les armées de Poutine, tout en fournissant du gaz aux ennemis européens de la Russie, qui sont membres de l’OTAN, alors que ces mêmes pays ont officiellement décidé de se passer du gaz russe. Mais comme ils ne peuvent pas s’en passer à 100%, ces pays européens – nous autres donc – ferment les yeux sur ce gaz russe qui transite par l’Ukraine. Mais pas question de l’avouer officiellement.

On peut donc dire qu’à l’école de l’hypocrisie, l’Europe est major de promotion. Mais avons-nous vraiment le choix ?

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